Partenariats Public-Privé (PPP), des contrats déséquilibrés
L’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) a étudié les conséquences, pour le réseau universitaire québécois, du recours aux partenariats public-privé (PPP).
En prenant appui sur trois cas précis — ceux de l’UQAM, de l’UQAR et de l’UQTR — il démontre que l’utilisation de ce type d’entente pour le développement d’infrastructures publiques s’opère sans véritable partage de risque.
En réalité, le partenaire public, en assumant seul les risques, fait un chèque en blanc à son partenaire privé.
Les principales conclusions de cette étude sont sans ambiguïté :
• Le sous-financement chronique du réseau universitaire force les établissements d’enseignement à avoir recours à diverses formes de financement privé, dont les PPP.
• L’existence même d’un PPP appelle la présence d’une forme de partage de risque. Par contre, les PPP analysés dans cette étude démontrent qu’un tel partage est inexistant.
• On assiste donc actuellement au Québec à la généralisation d’un modèle de PPP déséquilibré. Dans ce modèle, seul le partenaire public assume les risques financiers tandis que le partenaire privé bénéficie d’une source de revenu stable et assurée pour plusieurs années.
• La répétition de fiascos financiers, comme celui de l’îlot Voyageur à l’UQAM, n’est donc pas à exclure.
La France devrait tirer un enseignement de ces expériences, sur lesquelles le bilan juridico-financier a été réalisé avec un recul suffisant.
La question n’est pas théorique et concerne directement les universités françaises. On a assisté en effet l’an dernier à une offensive concentrée sur ce "nouveau marché" des grandes entreprises privées porteuses du lobbying sur le contrat de partenariat.
Pour s’en convaincre, on se reportera à l’article du Pr Jean-David Dreyfus "Immobilier universitaire et stimulation du partenariat public-privé" (AJDA 2008, p. 974) et à la réponse presque indignée de Jean-Yves Gacon, "La pertinence et les modalités du recours au contrat de partenariat dans le domaine de l’immobilier universitaire" (AJDA 2008, p. 1421).
Les illustrations et les explications de ce rapport d’études méritent donc la lecture attentive de ses 32 pages et sa conclusion :
Bien qu’ils ne respectent pas nécessairement les critères « reconnus » des PPP, les trois cas étudiés mettent en évidence les problèmes engendrés par une plus grande participation du secteur privé dans le monde universitaire. Les différentes composantes du PPP sont toutes plus ou moins présentes dans les projets étudiés, mais c’est au niveau du partage du risque que les institutions publiques sont perdantes. Alors que le privé, en tant que promoteur, devrait assumer les risques des investissements et de l’exploitation, il y a, dans chaque projet, des éléments qui font que le risque incombe en définitive aux institutions publiques. Dans ce type de projet, c’est en général la communauté universitaire qui fait les frais de l’incursion du privé.
(Merci à Jean G. pour la transmission de cette info.)
Gilles J. Guglielmi
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Partenariats Public-Privé (PPP), des contrats déséquilibrés10 février 2009, par Friedland
Il est vrai que les PPP n’impliquent pas nécessairement que le partenaire privé assume tous les risques. C’est dommage car la répartition des risques entre le partenaire public et celui privé (sur lequel sont transférés des aléas habituellement supportés par le secteur public) devrait être un élément obligatoire de la définition des PPP, quel que soit l’État dans lequel ils sont passés.
Rappelons que la délégation de service public, quant à elle, trouve sa justification première dans le transfert de risque de la personne publique vers le délégataire. Cf., notamment, l’arrêt « Teleaustria » (CJCE, 7 décembre 2000).
La solution se trouve peut-être dans le suivi des PPP avec la mise en place de rapports financiers et techniques - comme cela existe déjà dans de nombreux États - retraçant la totalité des opérations afférentes à l’exécution du PPP et comportant une analyse de la qualité du service. Une "dérive" des conditions d’exécution des PPP avec le transfert en totalité du risque sur la personne publique serait alors mise en exergue. A charge pour l’administration d’y mettre le hola.
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Partenariats Public-Privé, des contrats déséquilibrés3 février 2009, par illiassov
Cher Professeur,
Votre billet, et son titre surtout me permettent de réagir de nouveau sur votre site/blog
En effet, au sujet des PPP, une question liée à un éventuel déséquilibre m’est "venue" l’autre jour après le colloque organisé par le Conseil d’Etat à l’ENA au sujet des différentes formes de contrat, dont le PPP naturellement.
Et cette question, liée au potentiel déséquilibre, concerne les transferts de contrats :
N’y-aura-t’il pas, dans le cas de transfert de contrat par la personne publique au profit du titulaire privé du Contrat de PPP, un déséquilibre entre les contrats transférés qui pourront être des contrats administratifs OU des contrats privés
Cette question n’est, d’après ce que j’ai pu lire, que rarement abordée en tant que telle
Pourtant, elle semble se poser ;
En effet, sauf erreur de ma part, la nature juridique d’un contrat s’apprécie au moment de sa conclusion (CF Tribunal des conflits, 16 octobre 2006, publié au Lebon)
Or, toujours sauf erreur de ma part, le transfert des contrats ne devrait pas changer leur nature
Ce qui fait que le titulaire du Contrat pourra être placé dans la situation de la personne publique, en tant que "contractant" engagé dans une relation de Droit Administratif
Mais cela me semble assez curieux, et en tout cas assez inédit comme situation (encore que pas tant que ça car, par exemple, EDF est aujourd’hui une personne morale de Droit Privé titulaire de Contrats Administratif conclus antérieurement à la "privatisation" de son statut... mais bon, EDF était antérieurement une personne morale de Droit Public, ce qui n’est pas le cas de presque tous les titulaires -actuels et furturs- de PPP ...)
A suivre donc
ET BON COURAGE pour les mouvements "de grogne/grève" annoncés sur votre blog depuis quelques temps, et relayés par la Presse/télé/radio depuis peu
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