Créativité constitutionnelle
La Commission de réflexion sur la Constitution, dite Balladur, du nom d’un ancien premier ministre de cohabitation, a inclus dans son rapport une proposition d’une suprême inventivité.
La quatrième proposition du Comité est la suivante : "sauf désynchronisation des calendriers, organiser le premier tour des élections législatives le jour du second tour de l’élection présidentielle". Les textes à modifier pour y parvenir sont : "Code électoral et décret de convocation des électeurs".
On a bien lu : la fin du mandat des députés, au lieu d’être définie par sa durée et par les textes régissant cette assemblée va être déterminée par la date de l’élection du président de la République. Et elle va l’être en partie par des décrets.
C’est ce qu’on appelle une revalorisation du Parlement !
Par ailleurs, si la Commission pense ainsi réduire les risques de cohabitation, il y a fort à parier qu’elle arrive au résultat inverse. En effet, le jour du second tour de l’élection présidentielle, aucun électeur ne peut être sûr du nom du président élu. Opérer un choix pour un député dans ces conditions invite l’électeur à beaucoup plus de prudence. Soit à être plus nuancé, soit à jouer le contre-pouvoir par remords ou calcul, ce qui resserrera les écarts entre candidats arrivés en tête, soit à faire abstraction du résultat de la présidentielle et à voter (enfin !) en considération de données purement locales.
Gilles J. Guglielmi
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Créativité constitutionnelle6 novembre 2007, par Gk
Mais au fond, la cohabitation ne serait-elle pas justement un moyen de contrecarrer l’omnipotence d’un président qui, désormais pourvu de ces pouvoirs, pourrait trouver les voies de droit pour devenir un dictateur ?
A propos des analyses présentées, les propositions assurant au Président de la République de telles incursions dans le cadre du Parlement ne reviennent-elles pas à lui octroyer un pouvoir de pression tel qu’il serait illusoire de penser y trouver un semblant de résistance ?
Il serait quand même difficile d’admettre que les nouveaux droits des citoyens se limiteraient à la possibilité d’un recours auprès d’une institution dont la garantie d’indépendance n’est pas assurée ! D’autres libertés auraient mérité d’être reconsidérées notamment en parallèle avec le déclin ainsi annoncé du Parlement !
Et pourquoi ne pas exiger que la réforme consitutionnelle voulue et souhaitée par le Président fasse l’objet d’un référendum (alinéa 2 de l’article 89 de la constitution).
L’article 2 de la constitution ne rappelle-t-il pas que le "principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple" ?En tant que les articles controversés concernent les pouvoirs du Président, comment approuver le fait que le Président décide par la convocation d’un congrès d’éviter le débat de fond que suscite tout référendum au sein de la population, donc du peuple qui est le principal détenteur de la souveraineté (art. 3 de la constitution, article qui précise encore qu’aucune section du peuple, ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté nationale)...
Il n’en reste pas moins que s’interroger sur la violation du dernier alinéa de l’article 89 de la constitution devient essentiel : "la forme républicaine du gouvernement ne peut faire l’objet d’une révision"....
Or justement ne serait-ce pas le cas si les propositions du comité étaient suivies ?Il y a tant de questions encore à soulever !!!
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Créativité constitutionnelle6 novembre 2007, par Romain Baudry
M. Guglielmi,
Tout d’abord bonjour. Vous ne vous souvenez certainement pas de moi parce que je n’étais qu’un visage au milieu d’un amphi rempli d’un bon millier d’étudiants, mais j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt vos cours de droit administratif à Paris X.
En ce qui concerne le dernier paragraphe de votre article, je me suis fait la même observation en lisant ce fameux rapport. On connaît le poids énorme que joue le résultat des élections présidentielles sur celui des législatives lorsque celles-ci les suivent de près. Il est tel que les députés du même parti que le Président se contentent essentiellement de se revendiquer de celui-ci pour être élus à leur tour (ce qui contribue d’ailleurs beaucoup à leur subordination). Mais, si le premier tour des législatives coïncide avec le second tour des présidentielles, il s’en affranchit complètement. Et, pour le second tour des législatives, la dynamique générée par le Président qui aura alors été élu sera moindre, parce qu’elle viendra après la campagne des candidats à l’Assemblée Nationale, en cours d’élection, alors qu’il y aura déjà eu des résultats.
Bref, cette réforme rendrait un peu moins improbable le fameux paradoxe souvent évoqué : un Président qui, à peine élu, se retrouverait en situation de cohabitation.
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