Nouvelle réforme en vue de la politique commune de la pêche

lundi 4 mai 2009

Le commissaire européen chargé des affaires maritimes, Joe Borg, dans le Livre vert qu’il a présenté le mercredi 22 avril à Bruxelles, expose non pas une modification fragmentaire de plus, mais un changement radical de cap, une réforme substantielle devant toucher jusqu’aux principes fondamentaux de la politique commune de la pêche (PCP). L’exécutif communautaire se fixe comme horizon 2020 pour l’atteinte d’un bon état écologique du secteur des pêches.

La politique commune de la pêche (PCP) est un sempiternel sujet de discorde entre États membres et d’insatisfaction pour les pêcheurs. L’attribution de leurs quotas suscite d’ordinaire leur mécontentement, bruyamment exprimé de surcroît. Des pêcheurs français ont ainsi récemment bloqué plusieurs ports de la Manche pour protester contre les quotas de cabillaud et de sole.

Leurs desiderata sont relayés par leurs gouvernements qui, à chaque fin d’année, dans les dernières heures de décembre, se livrent à une surenchère politicienne à courte vue dans des négociation entre ministres pour la fixation des quotas annuels de pêche. Sans égard, évidemment, aux considérations écologiques à long terme et à la viabilité d’un secteur devant, à l’évidence, faire l’objet d’une importante réforme pour sa survie.

Les quotas n’ont pourtant pas permis de repeupler les mers. En effet, 88 % des stocks européens sont déjà surexploités, contre une moyenne mondiale de 25 %. Près d’un poisson sur trois ne peut se reproduire au rythme normal en raison de l’insuffisance de la population de reproducteurs. C’est ainsi qu’en mer du Nord, 90 % des cabillauds sont capturés avant d’avoir pu frayer.

Le secteur demeure certes une source importante d’emplois, mais la plupart relèvent des secteurs de la transformation, de l’emballage et d’activités autres que la pêche. Seules 190 000 personnes vivent directement de la capture de poissons.

Face à des stocks qui diminuent sans cesse, la Commission européenne tire la sonnette d’alarme. Car l’état du secteur l’exige. La Commission vise ainsi à reconstituer les stocks afin que le secteur de la pêche demeure une activité économique viable en Europe, en premier lieu pour les personnes qui en vivent le plus directement, soit les pêcheurs eux-mêmes.

Pourtant, les débats sur la PCP durent depuis des années. La dernière réforme date de 2002, sans que les objectifs fixés aient été atteints. La PCP ne devait pas être réexaminée avant 2012. Mais la précarité de la situation est aujourd’hui telle qu’il était impossible d’attendre aussi longtemps. En fait, constate la Commission, le secteur européen de la pêche est en train de détruire ses propres fondements économiques et écologiques.

Pour inverser le cours des choses, l’UE doit modifier sa politique en profondeur, estime la Commission. C’est pourquoi le commissaire européen chargé des affaires maritimes, Joe Borg, dans le Livre vert qu’il a présenté le mercredi 22 avril à Bruxelles, expose non pas une modification fragmentaire de plus, mais un changement radical de cap, une réforme substantielle devant toucher jusqu’aux principes fondamentaux de la PCP. L’exécutif communautaire se fixe comme horizon 2020 pour l’atteinte d’un bon état écologique du secteur des pêches.

Le constat dressé par les services de la Commission est alarmant : surexploitation des ressources et surcapacité des moyens, subventions importantes mais néfastes, non-respect des règles fixées. Le rapport met notamment en exergue le soutien public considérable dont le secteur bénéficie et qui contribue à renforcer la surexploitation. Le résultat est que les stocks halieutiques capturés par les pêcheurs européens diminuent d’année en année.

Tous ces éléments expliquent pourquoi l’Europe, qui constitue la plus grande puissance de pêche après la Chine, est aujourd’hui contrainte d’importer plus de la moitié des poissons qu’elle consomme.

Selon l’exécutif bruxellois, il est nécessaire de remédier au problème fondamental que constitue la surcapacité des flottes. Car il y a encore trop de navires de pêche par rapport aux ressources disponibles, malgré les tentatives faites jusqu’ici, qui n’ont pas apporté de solution. La flotte européenne, qui compte quelque 88 000 navires de taille et de capacité diverses, a ainsi été réduite ces dernières années ; mais cette diminution a été compensée par les gains de productivité liés aux progrès technologiques. Des réductions plus importantes s’imposent pour reconstituer les stocks et garantir la viabilité économique du secteur. La Commission voit cependant un remède dans l’instauration de « droits de pêche individuels et collectifs » transférables » ; en clair, un système de permis d’exploitation.

La Commission distingue cependant, dans son Livre vert, le cas de la flotte industrielle de celui de la pêche côtière artisanale, de sorte que les mesures visant à réduire le nombre de navires pratiquant la pêche concernent la première et non la deuxième, que l’exécutif européen désire épargner. Certes, la Commission estime que la réforme envisagée entraînera nécessairement une baisse globale de l’emploi dans le secteur de la capture - périphrase pour parler des pêcheurs -, mais elle considère qu’il est socialement légitime d’en épargner la pêche côtière. L’effort et les sacrifices demandés doivent par conséquent reposer sur le seul secteur industriel, responsable principal de la surexploitation, qui devra ainsi rationaliser ses effectifs.

La Commission, par la réforme présentée, souhaite plus généralement « verdir » l’Europe bleue ; en d’autres mots, instaurer une exploitation durable des ressources biologiques de la mer. Pour cela, elle va jusqu’à proposer une révision de fond en comble de la façon dont sont prises les décisions entre les États membres de l’Union pour l’application de la PCP. La Commission propose ainsi que, désormais, la mise en œuvre de la PCP soit décentralisée au niveau des régions marines partagées entre plusieurs États (Méditerranée, mer du Nord, mer Baltique). Régionalisation qui, aux yeux de la Commission, rendra la PCP plus écologique.

Reste à voir si cette remise en cause de ce que la Commission appelle une « microgestion au plus haut niveau politique » sera du goût des ministres de la pêche des États membres. Quelques jours après le blocage de plusieurs ports par des pêcheurs français mécontents du niveau de leurs quotas, on peut en douter.

Ce rapport est la première étape d’un processus visant à l’adoption de cette réforme de grande ampleur. Dans les mois à venir, la Commission, afin de la peaufiner, sollicitera les avis et commentaires de toutes les personnes intéressées. S’ouvre ainsi une période de consultations publiques devant durer jusqu’à la fin de cette année. La synthèse en sera faite par l’exécutif européen au premier semestre de 2010. En sorte que la réforme en profondeur envisagée incombera au prochain collège de commissaires européens.

En complément :

G. DUPONT, « Pêche : la Commission européenne fait son autocritique »,
Le Monde, 24 Avril 2009.

S. MAILLARD, « La Commission européenne réclame une pêche écologique », La Croix, 22 avril 2009.


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Livre vert

4 mai 2009
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