Responsabilité du service public de la justice
Le fonctionnement du service public ne donne pas seulement lieu, pour la mise en cause de la responsabilité de l’Etat, à de la jurisprudence administrative.
Les dysfonctionnements de la justice judiciaire, même en tant que service public, sont en effet régis par l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. La Cour de cassation est ainsi parfois amenée à se prononcer.
Dans deux arrêts 448 et 449 prononcés le 16 avril 2008, la première chambre civile de la Cour de cassation a reconnu le droit des victimes par ricochet d’un fonctionnement défectueux du service public de la justice à engager la responsabilité de l’Etat sur le fondement des dispositions de l’article L 141-1.
Dans les deux affaires, il s’agissait de parents de personnes placées en détention provisoire.
Dans le premier dossier, une personne mise en examen s’est suicidée en prison après avoir été placée en détention provisoire. Sa veuve a assigné l’Etat en réparation du préjudice causé par ce décès en soutenant qu’il résultait d’une défaillance du service public de la justice.
Dans le second dossier, le père et la mère d’une personne ayant bénéficié d’un acquittement après avoir été placée en détention provisoire réclamaient à l’Etat l’indemnisation de leur propre préjudice.
Dans les deux cas, la cour d’appel de Lyon avait déclaré leurs demandes irrecevables au motif que les demandeurs n’avaient été ni parties aux instances concernées, ni usagers du service public de la justice.
Considérant qu’il n’y avait pas lieu de réserver aux victimes par ricochet d’un dysfonctionnement du service public de la justice un sort plus défavorable que celui accordé par le droit commun aux victimes par ricochet en général, la première chambre de la Cour de cassation a cassé les arrêts de la cour d’appel de Lyon en disant pour droit que « l’Etat est tenu de réparer le dommage personnel causé aux victimes par ricochet par le fonctionnement défectueux du service public de la justice lorsque cette responsabilité est engagée par une faute lourde ou un déni de justice ».
Dès lors qu’elles invoquaient un préjudice qui leur était propre, fût-il par ricochet, ces parents, victimes par ricochet, sont donc recevables à engager la responsabilité de l’Etat sur le fondement de l’article L 141-1 du code de l’organisation judiciaire.
Gilles J. Guglielmi
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Responsabilité du service public de la justice17 avril 2008, par Associatifdelafamille
Bonjour Professeur et merci pour la qualité de votre blog que je découvre par les liens du blog du Professeur Rolin.
Concernant la responsabilité du service public de la Justice, il vous paraitra certainement intéressant de jeter un oeil sur les sommations de juger visant à caractériser un déni de justice, envoyées par un blogueur à un juge pour enfants qui refuse de juger pour réévaluer la situation de placement de sa fille, décidée dans le cadre des mesures relevant de l’assistance éducative.
Cela se passe ici : http://justice.cloppy.net/Je suis ce blog et ses évolutions depuis plusieurs mois, et il me semble que l’action qui est entreprise est une belle illustration de mise en place concrête et actuelle de la responsabilité du service public de la justice, par une procédure de prise à partie du Juge pour déni de justice.
Mais selon votre analyse, l’action de ce blogueur vous parait-elle pouvoir prospérer ?
Il s’agit d’une situation où un juge pour enfants refuse de statuer depuis plusieurs mois malgré les requêtes de ce père, et ce juge n’a répondu par courrier que suite à une première sommation de juger qui lui a été adressée, sans pour autant convoquer d’audience.Et d’après la lettre de réponse de ce magistrat, seuls des éléments nouveaux qui seraient portés à sa connaissance justifieraient qu’il statue et donc qu’il juge.
Or, j’ai lu (et relu) le texte qu’invoque ce blogueur pour fonder ses requêtes au juge ( il s’agit de l’article 375-6 du Code civil) et nulle part je n’ai vu l’indication de la nécessité de produire des éléments nouveaux pour que l’on saisisse le juge. Au contraire, la lecture du texte précise que le juge peut être saisi à tout moment, ce qui à mon sens laisserait même la possibilité au juge de revoir une situation d’assistance éducative en l’absence de tout nouvel élément ?
En poussant la réflexion, et en admettant qu’il eut fallu un élément nouveau pour saisir le juge (condition qui n’est pourtant pas prévue par un texte de droit à ma connaissance), ce magistrat peut-il légalement refuser de convoquer une audience pour apprécier contradictoirement les "éléments nouveaux" que ce père pourrait lui soumettre lors de l’audience ?
Car telle que la procédure est à ce jour présentée, je ne comprends pas pourquoi le Juge refuse de débattre lors d’une audience, et surtout si son refus de statuer est fondé en Droit ?Il y a donc deux logiques qui s’affrontent : celle de ce père qui demande à ce que la justice statue et juge pour réévaluer la situation de sa fille, et ce au visa d’un texte du Code civil qui prévoit expréssément et clairement cette possibilité,
et la logique de ce magistrat qui semble se placer "au dessus" des requêtes qui lui sont adressées et qui filtre ces requêtes sans en débattre contradictoirement.La suite de cette affaire semble en tout cas consister dans une demande de prise à partie du magistrat pour déni de justice, puisqu’une deuxième sommation de juger lui a été adressée, et que la lecture de la première sommation de juger (publiée sur le blog) indique les textes dont ce père blogueur entend se prévaloir.
Connaissez vous des précédents pour ce type de procédures ?
Je pense que votre analyse de ce cas qui me semble assez extraordinaire, serait très intéressante.
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Responsabilité du service public de la justice18 avril 2008, par GJG
Merci de votre contribution.
Malheureusement, n’étant pas professeur de droit privé, je n’ai aucune compétence pour vous répondre ! En d’autres termes, les causes factuelles de la responsabilité du service public de la justice sont une "boîte noire" pour le publiciste que je suis.
Il n’y a plus qu’à espérer que, parmi les lecteurs de ce site, il s’en trouvera un ou une qui aura un avis sur la question...
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