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Avant l’arrivée de l’hiver, la CNIL habille le gouvernement
Difficile de faire plus critique et plus argumenté ! La CNIL saisie par le Gouvernement sur le projet de loi HADOPI a rendu le 29 avril 2008 un avis qui, malgré son caractère confidentiel, circule ces derniers jours sur l’Internet. Il est tout simplement accablant.
En introduction, la CNIL montre bien que le Gouvernement a agi dans l’intérêt particulier d’une industrie et non dans l’intérêt général [1]. Qui plus est, il n’est pas prouvé que les comportements surveillés et réprimés soient la cause du malheur de cette industrie [2].
La CNIL remarque par ailleurs :
Que « la liste des exonérations prévues par le projet de loi est trop restrictive », en effet, « elle ne permet par d’appréhender les cas où l’internaute pourrait légitimement mettre à disposition un fichier protégé par les droits d’auteur, par exemple, parce qu’il est lui-même titulaire des droits sur l’œuvre » ;
Que « l’obligation de sécurisation des postes informatiques des employés comporte un risque de surveillance individualisé de l’utilisation d’internet et appelle en conséquence des garanties particulières sur les conditions de mise en œuvre effective de cette obligation vis-à-vis des employés concernés » ;
Que « le fait de mettre à disposition des agents de l’HADOPI les données de trafic ainsi que les données permettant d’identifier les personnes responsables de la mise en ligne d’un contenu, paraît porter une atteinte excessive à la protection des données à caractère personnel » ;
Que le transfert à l’HADOPI « d’une compétence actuellement dévolue par l’article L. 332-1 du CPI au président du tribunal de grande instance statuant sur requête » « comporte un risque d’atteinte aux libertés individuelles, au rang desquelles figure la liberté d’expression, dans la mesure où elle donnerait la possibilité à l’HADOPI de demander à un intermédiaire technique de procéder au filtrage de contenus considérés comme portant atteinte aux droits d’auteur » ;
Que contrairement au principe posé par le Conseil constitutionnel [3] « l’article L. 331-22 ne fait pas état des garanties nécessaires à la protection de la liberté d’expression » ;
Que, partant de la constatation selon laquelle : « sur la base de procès-verbaux constatant un même fait, la mise à disposition sur internet d’œuvres protégées par les droits d’auteur, les SPRD et les organismes de défense professionnelle pourront librement choisir de saisir :
1) l’HADOPI pour un « manquement à l’obligation de sécurisation du poste informatique » ;
2) le juge civil, pour un acte de contrefaçon en application de l’article L. 331-1 du CPI ;
3) le juge pénal, pour un acte de contrefaçon en application des articles L. 335-2 et L. 335-3 du CPI »,
la CNIL estime « ne pas être en mesure de s’assurer de la proportionnalité d’un tel dispositif dans la mesure où il laissera aux seuls SPRD et organismes de défense professionnelle le choix de la politique répressive à appliquer sur la base d’un fondement juridique dont les contours sont mal définis ».
MAIS SURTOUT :
La CNIL relève que la modification de l’article L. 34-1 du CPCE introduite dans le projet de loi permettra à l’HADOPI de recueillir et de traiter, sous une forme nominative, les données de trafic, hors donc de toute procédure judiciaire, garantie cependant jugée essentielle par le Conseil constitutionnel [4]
Elle estime dès lors que le projet de loi ne comporte pas en l’état les garanties nécessaires pour assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et le respect des droits d’auteur.
ET ENFIN :
La Commission relève que le projet de loi attribue à des agents de l’HADOPI des compétences que jusqu’à présent le II de l’article 6 de la loi précitée réservait uniquement aux autorités judiciaires agissant dans le cadre d’une procédure judiciaire [5]. Elle estime dès lors que le projet de loi ne comporte pas en l’état les garanties nécessaires pour assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et le respect des droits d’auteur.
CNIL, Délibération n°2008-101 du 29 avril 2008 portant avis sur le projet de loi relatif à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet.
[1] « Les seuls motifs invoqués par le gouvernement afin de justifier la création du mécanisme confié à l’HADOPI résultent de la constatation d’une baisse du chiffre d’affaire des industries culturelles »
[2] La CNIL « déplore que le projet de loi ne soit pas accompagné d’une étude qui démontre clairement que les échanges de fichiers via les réseaux « pair à pair » sont le facteur déterminant d’une baisse des ventes »
[3] Dans sa décision 96-378 DC du 23 juillet 1996 relative à la loi de réglementation des télécommunications, le Conseil constitutionnel indique qu’ « il appartient au législateur d’assurer la sauvegarde des droits et des libertés constitutionnellement garantis ; que s’il peut déléguer la mise en œuvre de cette sauvegarde au pouvoir réglementaire, il doit toutefois déterminer lui-même la nature des garanties nécessaires »
[4] Dans sa décision n°2004-499 DC du 29 juillet 2004 concernant la loi relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel, le Conseil constitutionnel a estimé que l’article 9-4° de la loi du 6 janvier 1978 modifiée en août 2004, permettant aux SPRD et aux organismes de défense professionnelle de traiter des données relatives aux infractions, était de nature à assurer, entre le respect de la vie privée et les autres droits et libertés, une conciliation qui n’était pas manifestement déséquilibrée notamment, car : « les données ainsi recueillies ne pourront, en vertu de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, acquérir un caractère nominatif que dans le cadre d’une procédure judiciaire et par rapprochement avec des informations dont la durée de conservation est limitée à un an »
[5] L’article L. 331-20 du projet de loi dispose que les agents de l’HADOPI peuvent se faire communiquer les données conservées et traitées par les fournisseurs d’accès internet et d’hébergement en application de l’article 6 de la LCEN
Gilles J. Guglielmi
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Avant l’arrivée de l’hiver, la CNIL habille le gouvernement6 novembre 2008, par GCAGG
A propos de libertés, voici un article reproduit (site : http://www.lyon-webzine.com/lyon/event-3959-fiches-avant-manif-a-vichy.html)
Fichés avant manif à Vichy
Au moment de rejoindre les cars qui devaient les emmener à Vichy pour une manifestation contre Brice Hortefeux et sa politique d’immigration, des militants lyonnais ont été cueillis par les forces de l’ordre, qui souhaitaient d’abord prendre quelques renseignements.
Hortefeux à Vichy
Lundi en début d’après-midi, devant la Brasserie Georges, quartier Perrache. Deux cars attendent d’être remplis pour partir vers Vichy. La tristement célèbre sous-préfecture de l’Allier est aussi le fief électoral de Brice Hortefeux. Le ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité Nationale et du Développement Solidaire y a invité ses collègues européens pour la troisième conférence ministérielle européenne sur l’intégration, qui intervient après l’adoption du Pacte européen sur l’immigration et l’asile, le 16 octobre dernier à Bruxelles. Un sommet sur la politique européenne d’immigration, en somme.Pour protester contre ce sommet, une grande manifestation est prévue à 18h, à l’appel d’un collectif éclectique qui va de RESF à la CGT, du Mrap à la CNT, du PS à la Ligue des droits de l’homme, ou encore de SUD-Etudiants au Syndicat des avocats de France. Devant la Brasserie Georges, ce sont les manifestants du « collectif lyonnais contre le sommet de Vichy » qu’attendent les deux cars. Ils se rendent dans l’Allier pour « dénoncer un discours de façade, derrière lequel il y a le durcissement des politiques européennes d’immigration »
Mauvaise surprise
Jusqu’ici tout va bien, comme dans le film de Mathieu Kassowitz. Mais devant les cars, des policiers en faction, qui attendent la centaine de militants. Pour monter dans le car, il faut d’abord décliner son identité. Et son adresse. Et se soumettre à une fouille au corps, pour les hommes. Les premiers passent entre les mains des gardiens de la paix. Les autres refusent. Protestent. Parlementent. Une grosse demi-heure plus tard, et peut-être pressés par l’arrivée des premiers journalistes, les forces de l’ordre abandonnent, décident de seulement procéder à une vérification des cars. Qui peuvent finalement partir pour Vichy, avec trois quarts d’heure de retard.Explications ?
Que s’est-il passé exactement ce lundi devant la Brasserie Georges ? Rien, selon le commissaire de la Sécurité publique chargé de l’opération. Selon lui, les policiers étaient présent pour d’autres raisons, pas par hasard mais presque : « nous avons une réquisition du procureur de la République pour la journée de lundi dans tout le secteur de Perrache. Nous recherchons des personnes », explique-t-il à nos confrères de Lyon Capitale. Il y aurait eu des incidents dans le quartier. Les militants, eux, ne croient pas un mot des raisons invoquées pour justifier les contrôles. Ils dénoncent, au contraire, un dispositif qui avait pour unique but de ficher les acteurs de mouvements sociaux contestataires.Epilogue
A 18h, c’est plus de 2 000 personnes qui manifestaient à Vichy. Cinq voitures ont été brûlées, des vitrines brisées. Des pierres ont visé les CRS, qui ont répondu par des tirs de grenades lacrymogènes. Vers 19h30, tout le monde était dispersé. Trois policiers ont été blessés, et une trentaine de personnes interpellées. Quatre d’entre elles portaient des uniformes rayés de prisonniers et des étoiles avec les inscriptions « sans papiers » et « étrangers ».06/11/08 par : Stéphane ROUSSET
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