Au feu les pompiers (constitutionnels) ! - A propos du vote électronique
Où la température des puces des "machines à voter" commence à réchauffer le macrocosme.
Le Conseil constitutionnel a cru bon de publier un communiqué laconique le 29 mars 2007 rappelant tout d’abord que "l’utilisation des machines à voter pour les élections, notamment présidentielles, est autorisée par le législateur depuis 1969", ce qui est un fait historique ; et ensuite que "Ce recours aux machines à voter dans les conditions fixées par l’article L. 57-1 du Code électoral a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel", ce qui est au mieux une approximation, au pire une tentative de couper court à un soupçon grandissant sur la transparence et la sincérité des votes qui seront émis en 2007.
En effet, le Conseil n’a jamais directement été saisi de la conformité à la Constitution de l’article L. 57-1. Il a simplement eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur les modifications successives de la loi du 6 novembre 1962 relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, qui se référaient toutes à cette disposition. Dans sa séance du 29 mars, le Conseil constitutionnel semble considérer que « ce recours à des machines à voter », sous-entendu lors de l’élection du président de la République organisée par la loi modifiée du 6 novembre 1962, est donc « par référence » conforme la Constitution.
Malheureusement le communiqué de presse du Conseil n’a aucune valeur juridique, car seules les décisions que le Conseil prend dans le cadre des compétences à lui reconnues par la Constitution et la loi organique le concernant en ont une, ce qui n’est pas le cas des communiqués.
Qui plus est, considérer comme conformes à la Constitution tous les textes auxquels renvoie un texte lui-même conforme à la Constitution est un raisonnement juridique pour le moins hardi qui pourrait rendre intangibles toutes les normes contraires à la Constitution qui subsistent dans notre ordre juridique et qui sont encore citées ou visées par des textes nouveaux.
Enfin, même en la supposant possible, la nouvelle conformité « par référence », ne faisant pas partie du dispositif et n’étant pas invoquée dans les motifs des décisions du Conseil, dont l’objet est d’ailleurs un autre texte, ne s’imposera nullement aux pouvoirs publics et aux juridictions, car les conditions d’application de l’article 62 de la Constitution ne sont pas réunies. La Cour de cassation (dont un des trois sages récents faisait partie à l’époque) les avait utilement rappelées à propos de l’obiter dictum du Conseil sur la responsabilité du président de la République. En conséquence, l’utilisation des machines à voter pourrait, sans aucun abus du droit de recours, être juridiquement contestée devant les juridictions françaises.
Le plus regrettable dans cette affaire est que le Conseil se soit laissé abuser au plan technique. Par rapport à 1969, date de leur première autorisation par le législateur, la technologie des machines à voter a complètement changé, de façon telle qu’elles sont aujourd’hui d’une autre nature et constituent de véritables ordinateurs. Aucun des éléments (déjà connus) rassemblés par le Conseil dans sa brève fiche technique, ne répond aux incertitudes et failles expertisées sur ces machines aux Pays-Bas, aux Etats-Unis.
Que le Conseil ne s’estime pas le mieux placé pour prendre en considération, dans un contentieux, des éléments techniques (voir notre article précédent) qui pourraient avoir des conséquences sur la constitutionnalité d’une pratique évolutive, cela peut se comprendre. Qu’il considère le législateur comme seul compétent pour revenir sur la norme qu’il a posée en 1969, à la suite d’une appréciation de fond et des expertises nécessaires, est certainement sage. Mais laisser à penser que, en l’état actuel des caractéristiques de ces machines et des atteintes aux principes essentiels de transparence, de sincérité et de confiance qui conditionnent la légitimité du vote démocratique, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes juridiques possibles pourrait bien être qualifié par certains de tentative de désinformation par usage d’un argument d’autorité.
Gilles J. Guglielmi
Articles de cet auteur
forum
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Au feu les pompiers (constitutionnels) ! - A propos du vote électronique18 avril 2007, par Nabil
Aux Urnes Citoyens !
Oui mais uniquement sous certaines conditions...
Lettre à mon bureau de vote expliquant mon refus de voter “machinalement”.
<< Mesdames, Messieurs les assesseurs du bureau de vote... (désignation du bureau de vote concerné),
Ayant constaté que vous ne m’offrez la possibilité de voter qu’au travers d’une machine à voter, je vous prie de noter dans votre procès verbal que je me suis présenté pour voter et que j’ai refusé de voter de cette manière.
Mon refus de voter est motivé par le fait que je n’ai aucun contrôle sur la machine que vous me proposez d’utiliser et que je ne sais donc pas comment mes indications de vote seront réellement interprétées.
Dans les faits vous me demandez de ’dire mon vote’ aux experts qui contrôlent cette machine et vous me demandez de faire confiance que leur interprétation de mes choix seront correctement respectés et pris en compte.
Alors que le vote à bulletin en papier me permettait d’être certain que mon choix est respecté puisque je suis seul à mettre mon choix dans l’enveloppe et en suite dans l’urne.De plus vous me demander de faire confiance aux résultats que donneront les responsables de ces machines sans que ces résultats n’aient subi un contrôle publique et réellement citoyen.
Ce seront donc des résultats obtenus sans l’aval de la population.Vous me demander donc de passer outre sur la seule garantie réellement juste et démocratique : celle des assesseurs des bureaux de dépouillement qui sont issus de la population et la représentent donc. Vous m’obliger à faire confiance à des experts payés par le pouvoir en place pour nous donner des résultas sans que nous puissions contrôler leur travail.
Face une telle démission forcée du pouvoir des citoyens lors de élections, vous comprendrez que je ne peux accepter de participer à ce simulacre d’élections.
Je vous prie de bien vouloir signer ’pour réception’ la copie de ma lettre refus. Lettre de refus que je vous demande de joindre à votre procès verbal.
Je vous prie de croire en ma déception et surtout en ma crainte que notre système démocratique disparaît au profit d’un système uniquement dirigé et contrôlé par une élite.
Cela me rappel l’époque où nos ancêtre s’étaient révoltés contre la tyrannie d’une autre élite.Tout ce chemin pour se mettre sous la tutelle des ceux qui dirigent ces machines et qui prennent ainsi le contrôle des élections ! >>
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Au feu les pompiers (constitutionnels) ! - A propos du vote électronique2 avril 2007
Il me semble que http://www.ordinateursdevote.org aurait proposé que tous les électeurs opposés aux machines à voter votent en gants de façon à manifester silencieusement leur réprobation sans laisser perdre leur vote. Et ls autres électeurs peuvent être solidaires ....
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Au feu les pompiers (constitutionnels) ! - A propos du vote électronique2 avril 2007, par GJG
Un mouvement citoyen de grande ampleur pourrait être lancé au moment du vote. Tous les électeurs qui sont obligés à utiliser les ordinateurs de vote dans leur bureau peuvent saisir le président du bureau de vote d’une réclamation. Il en est de même des électeurs qui voteront de manière classique s’ils estiment que leur voix ne doit pas être mélangée, dans les comptages ultérieurs, avec des voix obtenues par un autre procédé, électronique et vulnérable. Ces réclamations sont la première étape d’un recours devant le juge électoral. Si elles sont nombreuses, elles prouveront ipso facto le doute qui pèse sur l’exactitude des opérations électorales. Ce doute disqualifie l’expression de la volonté démocratique.
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Au feu les pompiers (constitutionnels) ! - A propos du vote électronique5 avril 2007, par antistress
"Il en est de même des électeurs qui voteront de manière classique s’ils estiment que leur voix ne doit pas être mélangée, dans les comptages ultérieurs, avec des voix obtenues par un autre procédé, électronique et vulnérable."
pouvez vous détailler ce point ?
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Au feu les pompiers (constitutionnels) ! - A propos du vote électronique15 avril 2007
http://www.ordinateursdevote.org : le journal de France Musique de ce jour (à 12h, ce dimanche 15 avril)annonce qu’une pétition contre le vote sur machine électronique est disponible sur ce site ; malheureusement, il semble inaccessible (introuvable par Safari). Avez-vous des nouvelles ou des indications pour accéder à cette pétition ?
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Au feu les pompiers (constitutionnels) ! - A propos du vote électronique15 avril 2007, par GJG
L’adresse de la petition a changé : http://ordisdevote.lautre.net/petition/
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Un poisson d’avril en avance ?31 mars 2007, par Letezard
Voilà une pratique bien étrange et particulièrement inappropriée aux fonctions du Conseil constitutionnel. Les "sages" confondraient-ils leur compétence consultative en matière électorale avec celle de juge chargé du contrôle de constitutionnalité dans les conditions prévues à l’article 61 de la Constitution. Quoi qu’il en soit, le communiqué de presse semble décidément prétendre au statut de nouveau "joujou" des juges français ...
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la discussion aux États-Unis31 mars 2007, par personne
Il faut suivre les débats aux États-Unis à la Chambre des Représentants ces jours ci ; ainsi que les commentaires qu’ils génèrent.
Les auditions de
Ed Felten, Princeton (http://www.freedom-to-tinker.com/),
Avi Rubin, (http://avi-rubin.blogspot.com/) et
David Wagner, Stanford (http://accurate-voting.org/).
Dans les commentaires sur le blog de Edward Felten "Freedom to Tinker",
j’ai particulièrement remarqué
http://www.freedom-to-tinker.com/?p=1130#comment-324728
"Supprimer le soupçon et préparer le futur."
Texte à utiliser sans avoir à le reproduire car licence CC ;-D -
Au feu les pompiers (constitutionnels) ! - A propos du vote électronique30 mars 2007
Autre élément, dans les années 60 il s’agissait de machine de vote (processus mécanique, voire électronique qui n’a qu’un seul but). Alors qu’actuellement il s’agit d’ordinateur de vote (peut executer un programme aussi complexe soit-il)
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