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Comment s’asseoir sur une recommandation de la CNIL
Les délits à caractère sexuel, ou seulement violents, consultables par des centaines de milliers d’autorités administratives, sans encadrement des conséquences individuelles qui peuvent en être tirées et sans sécurisation des consultations du fichier.
Un décret (n° 2008-1023) du 6 octobre 2008 relatif au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAIS) et au casier judiciaire national automatisé étend considérablement les possibilités de consultation de ce fichier de condamnations présumées infamantes. Voir ici l’analyse de Geneviève Koubi.
L’extension avait été décidée par la loi n° 2008-174 du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, plus connue pour d’autres raisons.
Le présent site s’en était déjà ému dans l’article "De quoi rester FIJAIS : la version TIC du pilori". Les causes de l’émoi qui y étaient évoquées n’ont pas changé.
Mais l’avantage de la survenance du décret, c’est qu’il donne lieu à la publication de l’avis de la CNIL sur cette opération. Dans sa Délibération n° 2007-326 du 8 novembre 2007, la Commission nationale informatique et Libertés souligne en effet :
que la possibilité, reconnue par la loi, pour les administrations de l’Etat, d’accéder directement au fichier, à la différence du casier judiciaire national, accroît sa sensibilité et rend indispensable l’adoption de mesures de confidentialité particulièrement strictes.
que le projet de décret ne précise pas les conséquences individuelles, à l’égard de la situation professionnelle de ces personnes, d’une consultation du FIJAIS qui se révèlerait positive. La loi est d’ailleurs muette sur ce point.
Elle rappelle que l’article 10 de la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 modifiée dispose qu’aucune décision produisant des effets juridiques à l’égard d’une personne ne peut être prise sur le seul fondement d’un traitement automatisé de données destiné à définir le profil de l’intéressé ou à évaluer certains aspects de sa personnalité.
Enfin, de façon très détaillée, la CNIL :
remarque la gravité et l’incertitude des conséquences produite, d’un point de vue personnel et professionnel, sur les personnes fichées,
elle examine et recommande des procédures de sécurisation informatique, physique et logique d’accès au fichier,
elle demande qu’à l’instar du STIC les personnes faisant l’objet d’un refus d’embauche soient informées de leur fichage dans le FIJAIS et de sa consultation avant la décision.
La simple lecture du décret finalement publié montre à quel point il a été tenu compte des avertissements et recommandations de la CNIL.
Conclusion : pour un nombre indéterminé de professions plus ou moins en contact avec des mineurs ("le projet de décret ne précise pas les professions ou activités pouvant donner lieu à la consultation du FIJAIS, par les administrations concernées, pour l’examen de ces demandes d’agrément") le fichier recensant les infractions sexuelles OU violentes sera consultable par un nombre indéterminé de personnes ("La Commission relève d’abord qu’il n’a pu lui être indiqué avec précision le nombre de personnes susceptibles d’accéder au FIJAIS au titre de la consultation administrative, qui s’ajoutera aux 39 000 personnes d’ores et déjà autorisées à accéder au FIJAIS au titre des missions de police judiciaire") et on ne sait pas quelles conséquences l’autorité administrative sera juridique habilitée à en tirer (le décret ne précise pas "les modalités selon lesquelles le résultat d’une consultation du FIJAIS est pris en compte dans l’appréciation de la demande d’agrément ou du contrôle de l’exercice de l’activité professionnelle d’une personne et comment cette décision administrative s’articule avec les peines accessoires ou complémentaires d’interdiction d’exercer une profession ou une activité prononcées par une juridiction").
Bienvenue dans le monde de l’opprobre discrétionnaire et aléatoire !
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