Malaise dans la Constitution : l’empêchement du président de la République
Des événements récents ont porté les feux de l’actualité sur l’état de santé de l’homme qui occupe en ce moment la fonction de président de la République. La glose sur les causes d’un "malaise", sur ses formes symptomatiques et sur le secret qui entoure traditionnellement la santé des chefs d’Etat est abondante. Pourtant elle ne semble pas poser la question essentielle, dans un Etat de droit et dans un système juridique qui privilégie la sécurité et la continuité juridiques : celle de l’empêchement du président de la République française.
L’empêchement est régi expressément par l’article 7, alinéa 4 de la Constitution en vigueur : "En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, ou d’empêchement constaté par le Conseil constitutionnel saisi par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les fonctions du Président de la République, à l’exception de celles prévues aux articles 11 et 12 ci-dessous, sont provisoirement exercées par le président du Sénat et, si celui-ci est à son tour empêché d’exercer ces fonctions, par le Gouvernement"
La procédure est donc claire : il appartient au Premier ministre de saisir le Conseil constitutionnel du point de savoir s’il y a lieu de constater un empêchement. Or, que s’est-il passé ce dimanche ? Les services de l’Elysée ont reconnu dans un communiqué que le président avait subi un malaise et qu’il avait été hospitalisé en urgence pour des examens. Un peu plus tard, son agenda du lundi a été annulé et il en a été de même, ce lundi, de l’agenda du mardi.
Il n’est pas déraisonnable dans ces conditions de s’interroger sur la situation juridique de la présidence de la République en tant que pouvoir public constitutionnel. Entre dimanche midi et mercredi matin, moment du dernier conseil des ministres qui marquera le début de la trève estivale et des congés, le titulaire de la fonction a donc été hospitalisé et a renoncé à tous ses actes habituels et prévus.
Peut-être ne s’agit-il pas d’un empêchement, même temporaire, mais en tout état de cause le doute existe et la seule instance compétente pour procéder à cette qualification juridique est le Conseil constitutionnel. On peut donc regretter que celui-ci n’ait pas été saisi, fut-ce pour faire litière de ce doute planant sur la conduite des affaires publiques au plus haut niveau, car il en va de la crédibilité de l’Etat et des hommes qui le servent et, pour certains, en sont les garants.
Post Scriptum :
Pour satisfaire les lecteurs à l’esprit facétieux, voici quelques extraits de la notice Wikipedia concernant un certain président de la République française.
Celui-ci "serait en fait victime de dépression et de surmenage", "son « mal être » le conduit parfois à une hyperexpressivité et à une désintégration relative du Moi".
"Il était également sujet à des crises d’angoisse, liées notamment aux contraintes de sa présidence. Il est constamment entouré de gardes du corps, éloigné de sa famille, reçoit plusieurs lettres de menace de mort à l’encontre de ses enfants..."
"On peut également supposer qu’il ressentait une culpabilité vis-à-vis de son père qui n’avait jamais atteint ses positions". Bien qu’il soit "un homme passionné mais non passionnel, la relation avec son père contribue fort probablement à « l’instabilité » du président". "Si on détecte chez lui un désir de fuite dans le travail, une occupation effrénée, une angoisse de déplaire, ces éléments sont tous d’ordre névrotique mais ne peuvent être considérés comme maniaques. Il aspira longtemps à une carrière artistique et ses discours, tous fameux, trahissent un besoin de séduction et une inclination nette au théâtralisme, voire à l’histrionisme (attitude caractérisée par le besoin d’attirer l’attention sur soi et de séduire l’entourage)."
Il s’agissait bien sûr de... Paul Deschanel qui, lui, eut la lucidité de démissionner. C’était en 1920 : autres temps, autres moeurs ?
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