L’usage des logiciels libres ne sera pas pénalisé par les MTP

dimanche 27 juillet 2008 par Gilles J. Guglielmi

Le Conseil d’Etat, dans son arrêt n° 301843 du 16 juillet 2008, a répondu à divers moyens d’annulation soutenus par l’April (contradiction du droit communautaire, violation directe de la loi DADVSI, et de plusieurs principes généraux du droit). De façon générale, était en jeu la sécurité juridique du Logiciel Libre, mise à mal par les dispositions légales et réglementaires complexes et ambiguës relatives à l’interopérabilité.

Un décret n° 2006-1763 du 23 décembre 2006 avait prévu des sanctions pénales pour le contournement des mesures techniques de protection (MTP), protégées aux termes de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information (dite DADVSI).

L’Association pour la recherche en informatique libre (April) a déposé devant le Conseil d’Etat une requête en annulation de ce décret, qui pouvait être lu comme rendant passible d’une contravention de 4ème classe le fait de lire, au moyen de logiciels libres, des contenus protégés par MTP.

Le commissaire du gouvernement a pour sa part relevé que le décret attaqué ne citait pas expressément l’exception de décompilation, ce qui nécessitait l’examen approfondi des moyens soutenus par l’April en faveur de l’annulation de ce décret.

Le Conseil d’État a finalement rejeté la requête, mais il l’a fait en livrant une interprétation neutralisante du décret à l’égard des concepteurs et utilisateurs de logiciels libres.

D’une part, le juge administratif suprême a en effet caractérisé l’atteinte sanctionnée par le décret du 23 décembre 2006 (détention de dispositifs « conçus ou spécialement adaptés » pour porter atteinte à une mesure technique de protection) comme devant nécessairement intervenir en méconnaissance du droit d’auteur et des droits voisins. Mais dès lors que ces mesures « ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en oeuvre effective de l’interopérabilité », un dispositif mis en place par un exploitant aux fins de permettre l’interopérabilité de systèmes informatiques, lorsqu’il est rendu possible par la diffusion d’informations provenant des fournisseurs de mesures techniques, ne constitue pas un dispositif portant atteinte aux mesures de protection au sens du décret attaqué.

D’autre part le Conseil d’Etat a estimé que le décret attaqué ne visait pas l’exception de décompilation. En effet, le juge a dit pour droit que
« le pouvoir réglementaire n’a pas entendu viser l’exception [de décompilation destinée à permettre le développement de logiciels libres] régie par ces dispositions ». Cette identification du champ d’application présumé voulu par le pouvoir réglementaire résulte d’une opération de qualification menée par le Conseil d’Etat. Pour lui, tout simplement, « la reproduction du code du logiciel ou la traduction de la forme de ce code (non) soumise à l’autorisation de l’auteur » lorsque c’est « indispensable pour obtenir les informations nécessaires à l’interopérabilité d’un logiciel créé de façon indépendante avec d’autres logiciels »et sous réserve de remplir les conditions posées par l’article L.122-6-1 du code de la Propriété Intellectuelle, ne constituent pas des « dispositifs conçus ou spécialement adaptés pour porter atteinte à une mesure technique de protection mentionnée à l’article L. 335-1 du code de la propriété intellectuelle ».

Grâce au Conseil d’Etat et à l’April, tout le monde saura dorénavant qu’un logiciel libre permettant de lire un contenu protégé par MTP - que l’interopérabilité soit obtenue grâce aux informations fournies par l’éditeur de la MTP, ou bien par décompilation respectant les conditions de de l’article L.122-6-1 du code de la propriété Intellectuelle -, ne saurait être considéré comme un moyen "spécialement conçu ou adapté" pour contourner une mesure technique et n’a rien d’illicite.

Les auteurs, éditeurs et distributeurs de logiciels libres de lecture de contenus protégés par MTP s’en réjouiront. Les utilisateurs aussi, notamment les très nombreuses personnes publiques qui en ont fait leurs logiciels de référence...

Pour les conséquences concrètes dans le monde du logiciel libre et pour l’analyse des travers persistants de la loi DADVSI, voir le communiqué de l’April.

Pour un bilan des premières réactions et une analyse justement critique
de l’arrêt lui-même, voir l’analyse de Luc Bartmann


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