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EDVIGE, le rapace magique au regard perçant
Le ministre de l’Intérieur vient d’être autorisé par décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 à mettre en œuvre le système EDVIGE (Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale). Objectif : centraliser un maximum de données. Mais il ne fait que cacher un autre fichier encore plus secret appelé Cristina.
Le fichier est très complet puisque, pour les personnes physiques de plus de treize ans, il regroupera des :
informations ayant trait à l’état civil et à la profession ;
adresses physiques, numéros de téléphone et adresses électroniques ;
signes physiques particuliers et objectifs, photographies et comportement ;
titres d’identité ;
immatriculation des véhicules ;
informations fiscales et patrimoniales ;
déplacements et antécédents judiciaires ;
motif de l’enregistrement des données ;
données relatives à l’environnement de la personne, notamment à celles entretenant ou ayant entretenu des relations directes et non fortuites avec elle.
S’agissant des mineurs, Edvige cible le repérage de ceux qui seraient suspectés de troubles à l’ordre public à partir de 13 ans, ce que la DST et les RG ne faisaient officiellement pas jusqu’ici.
Par ailleurs, ce fichage s’inscrit dans la logique du fichier biométrique centralisé des passeports : assimiler « apte au délit » et « condamné », « suspect » et « délinquant », et procéder à une recherche de suspects à partir d’une base de données de citoyens n’ayant jamais eu de liens avec la justice ou la police.
Inutile de dire les dangers que recèlent ce type de fichiers, surtout en raison de l’impossibilité pour les personnes publiques de garantir qu’ils ne seront pas (frauduleusement) utilisés au profit de personnes privées.
Encore pourrait-on dire que, pour ce fichier, certaines caractéristiques sont publiées. Il n’en est pas de même avec le fichier Cristina, dont la naissance fut annoncée ici, qui bénéficie du traitement spécial prévu par la loi : publication de sa seule existence et du fait que la CNIL a rendu son avis (en l’occurrence avec réserves) sans pouvoir savoir ce que contient ni le fichier, ni l’avis !
Lire ici l’excellente analyse de J.-M. Manach.
En réalité, on sait bien que ce fichier classé secret défense est la fusion d’anciens fichiers des Renseignements Généraux et de la DST, et qui concerne en vrac aussi bien le terrorisme que la protection du patrimoine économique (recherche, entreprises).
Un collectif de 33 associations a lancé un appel contre la mise en oeuvre de ce fichier. On le trouvera ici. Par ailleurs, un recours devant le Conseil d’Etat devrait être déposé au titre du référé liberté.
Brève sitographie :
L’info pionnière :
La doctrine d’Edvige : Geneviève Koubi
L’avis de la CNIL (qui n’a pas été suivi, loin s’en faut) :
sur son site.
Les commentaires du président de la CNIL :
à Libération,
Débat entre Monsieur Gachet pour le ministère de l’Intérieur et Henri Weber pour la LDH :
sur France Info.
Une synthèse de contenu :
"Fichiers informatiques : Edvige suscite bien des troubles" : par Pcinpact
Les réactions :
"Et maintenant, Edvige, fichez-moi tous ces mineurs de 13 ans qui pourraient mal tourner" : par la LDH
Communiqué de l’Union Syndicale Solidaires :
sur leur site.
"« La vie des autres » avec Edvige" : par le Syndicat de la Magistrature
Communiqué des Big Brother Awards : un fichier totalement hors la loi.
Le point de vue des rédacteurs de Politis : sur leur Babil.
Gilles J. Guglielmi
Articles de cet auteur
forum
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EDVIGE, le rapace magique au regard perçant11 juillet 2008, par Mr. Freeze
Il est assez navrant (et peu rassurant sur le niveau de l’université française) qu’un professeur de droit puisse écrire cela.
En particulier, la cession des données à un organisme privé est totalement interdite et on ne peut quand même pas renoncer aux fichiers de police parce que quelques policiers véreux profitent d’y avoir accès pour vendre des informations !
Je rappelle de surcroît que, dans ce pays, il existe une CNIL qui a le pouvoir de se rendre à tout moment dans n’importe quel service de police pour vérifier qu’ils se conforment à leurs obligations.
Ces obligations ne résultent d’ailleurs pas seulement du décret : elles se trouvent aussi dans la loi du janvier 1978 (notamment son article 6). Il est donc un peu hâtif de dénoncer le décret sans avoir pris la peine de s’enquérir des dispositions légales qui s’appliquent en tout état de cause.-
EDVIGE et CRISTINA, Big Sisters are watching you11 juillet 2008, par GJG
Il est assez navrant qu’une personne qui intervient sous le couvert de l’anonymat et qui ne dispose pas forcément d’une formation juridique équivalente à celle d’un professeur agrégé des Facultés de droit
puisse croire que l’un de ceux-ci écrirait quoi que ce soit sans avoir étudié les textes de lois.J’invite donc l’intéressé avant d’exprimer une évaluation sur le niveau de l’université française à en avoir atteint le niveau le plus élevé.
Disons, cette fois au fond du droit, les choses encore plus clairement.
La dernière réforme de la loi "Informatique et libertés" a considérablement amoindri les garanties des libertés publiques en la matière.
La CNIL ne dispose par ailleurs - et c’est de notoriété publique tant son président s’en plaint souvent - d’aucun moyen matériel pour exercer le peu de missions qui lui restent en vertu des textes. Les services le savent pertinemment.
J’invite aussi ceux qui seraient frappés d’angélisme à tenter par exemple d’obtenir de leur opérateur de téléphonie mobile une attestation selon laquelle leur ligne n’a fait l’objet d’aucune surveillance et d’aucun transfert de données (numéros appelés et reçus, sms émis et reçus). Il leur sera répondu oralement que ces données ne sont jamais communiquées à personne, au mépris de l’existence chez chaque opérateur d’un service de recherches qui est l’interlocuteur permanent de la cellule de la préfecture de police demandeuse de ces informations, laquelle les obtient sans avoir à prouver qu’une enquête judiciaire soit en cours.
Enfin je n’ai pas écrit qu’il fallait renoncer aux fichiers de police, mais simplement que les conditions de leur utilisation et leur contrôle ne sont plus entourées d’aucune garantie juridique ni institutionnelle satisfaisante.
Personne n’accepterait que sa carte de crédit ou son compte bancaire ne soit pas sécurisé et demeure à la disposition d’employés indélicats. Il doit en être de même des données de notre vie privée.
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EDVIGE et CRISTINA, Big Sisters are watching you12 juillet 2008, par Pr. Géraldine CHAVRIER
Professeur des universités, je travaille sur le droit de la sécurité locale. Et je peux informer (former) M. Freeze que les fichiers de sécurité sont effectivement transmis à des personnes privées. Pour un exemple assumé par tous : la police ou la gendarmerie s’engage auprès d’une commune qui a recouru aux services d’un cabinet privé consultant en sécurité, de communiquer à ce dernier un fichier comportant tout les faits délictueux recensés, leur localisation géographique, les heures, etc. Celui-ci constitue alors une base de données qui permet aux cabinets les moins scrupuleux (ils ne sont pas tous comme ça) de gagner beaucoup d’argent.... En effet, lorsque quelques actes délictueux supplémentaires sont commis dans un quartier, une lumière clignotante rouge s’allume subitement pour informer la commune que la délinquance y est en augmentation (!!!!), celle-ci s’adresse alors au cabinet : elle lui demande une consultation juridique afin de déterminer quelle doit être la solution, quelle révision de son CLSPD ou CLS elle doit envisager, etc.
Ce sont des fichiers de la police ou de la gendarmerie sur la délinquance qui sont ainsi transmis à une personne privée qui en retire de juteux bénéfices
Une étude presque achevée est actuellement en cours, réalisée par un pool de chercheurs à mes côtés, avec pièces justificatives et témoignages des communes, de la police et d’un cabinet.
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EDVIGE, le rapace magique au regard perçant25 août 2008, par Quantassoi
Pour montrer qu’il n’y a pas seulement des policiers véreux qui peuvent se procurer des données personnelles concernant la vie privée des particuliers, mais que le problème est bien plus généralisé que cela, du fait de la désinvolture à protéger ces données, voir ici :
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