Aller et venir : une liberté pénalisée
La Commission européenne s’apprête à proposer de collecter un large éventail de données personnelles sur tout passager aérien, citoyen de l’UE ou non, entrant ou sortant de l’Union européenne.
Adopter le même système que les Etats-Unis d’Amérique et l’appliquer en Europe. Rien de moins !
Selon la proposition de décision cadre du 6 novembre 2007 sur le PNR (Passenger Name Record, en fait un dossier complet de données), les Etats membres devraient adopter un système de collecte de données personnelles détaillées à l’occasion de toute entrée ou sortie de l’UE.
Ce système a ouvertement pour but de constituer des listes de passagers "à risques" selon des critères exclusivement quantitatifs et des procédures automatisées. Pour y parvenir, les compagnies sont déjà tenues de fournir aux "autorités" de l’Etat membre de destination, dès la fin de l’enregistrement, les données dites API (nom et prénom, date de naissance, nationalité, numéro de la pièce d’identité et/ou du visa) complétées par les détails du vol (numéro, horaires, point d’entrée dans l’UE, nombre de personnes).
Il est maintenant question d’imposer la collecte et la transmission d’un dossier passager détaillé (PNR), comprenant 19 données de base, que les différentes "agences" destinataires pourront compléter par de données de "renseignement" diverses et obtenues par tout moyen. Ces données resteraient actives 5 ans et seraient ensuite conservées pendant 8 ans.
Le prototype de ce système est déjà en fonctionnement. Il est appliqué dans le cadre de l’accord UE-USA sur le PNR. Le Parlement européen a adopté à son sujet le 12 juillet 2007 une résolution regrettant "l’absence de toute considération démocratique" de cet accord et son "échec à garantir un niveau de protection adéquat" aux données personnelles collectées.
Indépendamment des doutes sur l’efficacité du système (les USA déclarent 1200 utilisations effectives sur 63 millions de dossiers, et quasi exclusivement pour des infractions ne concernant pas le terrorisme),
il est préoccupant de constater que l’utilisation par chacun de sa liberté d’aller et venir soit aujourd’hui l’occasion d’un enregistrement de ses données personnelles détaillées sans qu’existe aucune garantie sur l’usage qui peut en être fait ni sur les personnes habilitées à les traiter.
Enfin, on remarquera que, sur ces questions déterminantes pour les libertés publiques et droits fondamentaux, le Parlement européen est seulement consulté, sans disposer d’aucun pouvoir de décision.
Le 22 novembre 2007, la commission des libertés civiles a donné son feu vert à un projet de règlement qui impose aux Etats membres de la zone Schengen de relever les dix empreintes digitales et la photographie du visage des demandeurs de visa qui souhaitent entrer sur le territoire de l’Union européenne. Les députés ont adopté un nombre d’exemptions pour les enfants et les diplomates. Ils ont également souhaité garantir davantage la protection des données.
Afin d’éviter que certains Etats soient freinés par l’installation de l’équipement nécessaire pour recueillir les identifiants biométriques dans chaque consulat ou ambassade, le règlement prévoit que les Etats membres coopèrent avec un ou plusieurs Etats de l’Union européenne en vue de créer un centre commun dans chaque pays, qui gérera les demandes de visa et la collecte des identifiants biométriques.
On pourra consulter un dossier très complet réalisé par le site anglais statewatch.
Gilles J. Guglielmi
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Aller et venir : une liberté pénalisée5 mars 2009, par Gk
Il reste à lire maintenant le rapport sur la proposition de décision cadre du Conseil relative à l’utilisation des données des dossiers passagers (Passenger Name record, PNR) à des fins répressives (COM [2007] 654 final/n° E 3697) de G. Geoffroy, Documents d’information de l’Assemblée nationale, n° 1447.
En fait, « Au cours de ses travaux, le rapporteur a été convaincu de la grande utilité des données PNR et des potentialités uniques de cet instrument ainsi que de la nécessité d’avancer unis au sein de l’Union sur ces questions. (...) . L’Union doit dorénavant veiller à ses propres intérêts dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité grave et pouvoir imposer son approche de l’équilibre entre sécurité et respect des droits fondamentaux. L’institution d’un système de collecte des données PNR fondé sur ses valeurs permettra à l’Europe de faire entendre sa voix et de démontrer qu’il existe bien une autre voie possible que celle suivie par les Etats-Unis ».
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