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Les restrictions d’accès à Internet pourraient être secrètes
Voter d’abord, verrouiller ensuite
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de Jürgen Hill, traduction Francis Segond.
Cinq jours après les élections, le BKA (Bundeskriminalamt = Office fédéral de la police criminelle) convoquera les fournisseurs d’accès Internet : ils devront alors prendre connaissance de la nouvelle directive sur le blocage de sites Internet... dans un document confidentiel.
Le BKA veut remettre aux fournisseurs de services Internet - après les élections -, une première directive technique sur les restriction d’accès prévues... sous forme d’un document confidentiel.
Les choses sérieuses commenceront après les élections parlementaires (dimanche 27 septembre) : suivant une information de « eco e.V. » (association pour l’économie de l’internet allemande) [1], le BKA a convoqué, pour le 2 octobre à Wiesbaden, les fournisseurs d’accès internet afin de mettre en place les dispositions visant à limiter l’accès aux contenus pédo-pornographiques dans les réseaux de communication [2]. Les participants recevront, au cours de cette réunion, une directive qui règlera sous quelle forme et de quelle manière les listes de sites bloqués et l’inventaire des tentatives de connexion devront être mis à disposition des autorités.
L’histoire a toutefois un hic : à la réception de cette directive, les entreprises devront en même temps accepter une clause de confidentialité, une procédure critiquée par Olivier Süme, président délégué de « eco » en ces termes « Une mise en place de restriction d’accès internet sous forme d’une ordonnance secrète n’est certainement pas de nature à renforcer la confiance déjà vacillante du public dans cette loi ».
À cela s’ajoute une circonstance aggravante déjà pressentie par les 135.000 signataires de la « Pétition contre le blocage de l’internet » [3] : la mise en place de l’infrastructure technique s’effectuera sans respecter les principes d’un état de droit. De surcroît, le BKA aurait préparé la directive sans base juridique, puisque la loi [4] adoptée en juin par la grande coalition (CDU-CSU et SPD) n’est pas encore entrée en vigueur. Cette loi repose sur une initiative de la ministre de la famille, Ursula von der Leyen, qui réclamait avec des accents populistes le blocage de l’internet pour empêcher, ou du moins restreindre, l’accès aux sites pédo-pornographiques, plutôt que de combattre directement leur création. Comme l’élaboration des listes de sites à bloquer devrait intervenir en dehors de tout contrôle par un juge, la ministre s’est vue affubler par ses opposants du sobriquet de « Censursula » (Zensursula) [5].
« eco » ironise en outre sur le fait que les association et les entreprises concernées ne pourront pas discuter ouvertement, ni commenter publiquement, les mesures techniques, puisque le BKA [6] les considère comme « VS-NfD » ("Verschlusssache - Nur für den Dienstgebrauch" = document confidentiel - uniquement pour usage interne). Toutefois, cette critique du monde de l’économie internet arrive un peu tard car, en avril dernier, cinq des plus importants fournisseurs d’accès (Deutsche Telekom, Vodafone, Alice/HanseNet, Kabel Deutschland et Telefonica-O2) ont signé, dans un acte d’obéissance anticipée, un engagement à la censure volontaire par le blocage de sites internet, donnant ainsi le feu vert aux projets de l’État et du BKA.
Les détracteurs de la loi voient, dans les cachotteries du BKA, leurs craintes confirmées que le blocage de pages aux contenus pédo-pornographiques n’est qu’un prétexte pour mettre en place une infrastructure technique de la censure sur internet, prenant ainsi exemple sur la Chine. Ces craintes ont, au cours des derniers mois, pris de l’importance lorsque de nombreuses personnalités politiques ont exigé d’étendre les listes de blocage de sites aux jeux vidéo violents (initiative de la CDU) et aux pages de partages de fichiers (initiative de la SPD). En raison de la campagne électorale et du surprenant succès du « Parti pirate » (Piratenpartei) dont c’était un thème majeur de campagne, ces responsables politiques ont rapidement été rappelés à l’ordre par les quartiers généraux de leurs partis.
Il existe une autre raison qui rend difficilement compréhensible la volonté du BKA de garder confidentielle cette directive : tant que les mécanismes de verrouillage se situent au niveau du serveur de nom de domaine (DNS), ceux-ci sont facilement contournables par tout utilisateur un tant soit peu au fait des techniques du web. Il n’est que de faire appel au logiciel open source « Bind » [7] pour créer son propre serveur DNS, obtenir les informations appropriées de configuration au-delà des frontières allemandes et ainsi disposer d’un accès sans restriction à l’internet.
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