Biométrie : le règne du VIS
La biométrie consiste à utiliser la mesure de parties du corps (iris de l’œil, empreintes digitales, contour de la main, du visage...) ou de comportements (démarche, manière de signer...) pour reconnaître une personne. Ces parties du corps, réputées uniques pour chaque individu, sont numérisées, puis enregistrées dans des bases de données, et réactivées à chaque fois qu’il faut s’identifier.
La biométrie est l’analyse mathématique des caractéristiques biologiques d’une personne, destinée à déterminer son identité de manière irréfutable. La biométrie repose sur le principe de la reconnaissance de caractéristiques physiques : les empreintes digitales ou la gamme d’indices généralement visés par la biométrie, notamment l’iris, la rétine, la main et les empreintes vocales, constituent des caractéristiques biologiques uniques qui distinguent une personne d’une autre et ne peuvent être associées qu’à une seule personne.
Selon samizdat, " depuis la fin des années 1990, sous la pression de lobbys industriels et étatiques, les outils de reconnaissance biométrique, souvent des « bornes », se généralisent et remplacent les clés, les cartes ou tout simplement la reconnaissance en face-à-face.
Les dispositifs biométriques ont d’abord été installés dans des zones dites « sensibles » (prisons, aéroports…). Depuis quelques années, dirigeants et industriels ne reculent devant rien pour en généraliser l’usage à toutes sortes d’activités quotidiennes. En 2004, le groupement des industriels de micro-électronique (Gixel) publiait un Livre Bleu de préconisations au gouvernement, lui conseillant de conditionner les plus jeunes pour faire accepter la biométrie à une population réticente. Ils y prescrivaient une « éducation dès l’école maternelle », c’est-à-dire l’implantation massive de bornes biométriques dans les établissements scolaires. Dès 2005, cette propagande s’est rapidement matérialisée sous forme de systèmes d’accès des élèves à la cantine et aux entrées. On compterait aujourd’hui 350 établissements scolaires biométriques, contre seulement une vingtaine en 2005. C’est donc une partie croissante de la jeunesse qui, tous les jours, est priée de trouver normal d’être gérée en silence par le biais de son anatomie, avec la complicité de prétendus éducateurs.
Le monde de la biométrie est le même que celui du prélèvement massif d’ADN, de la vidéo-surveillance et de la pose de bracelets électroniques sur les nourrissons. C’est un monde où l’on juge que gérer des corps est finalement plus efficace et rentable que dialoguer avec des personnes (voir ici les réflexions du Pr Geneviève Koubi). Derrière la machine, un pouvoir arbitraire et omniprésent alimente, peut-être plus encore que par le passé, frustration, impuissance et paranoïa. Grâce à ces technologies, les dirigeants constituent des fichiers et organisent une surveillance en temps réel dont rêvaient les régimes totalitaires. De leur côté, les industriels se réjouissent d’étendre encore leur conquête des activités humaines, en les conformant à leurs innovations technologiques.
Tantôt en agitant la peur des terroristes, tantôt pour nous « simplifier la vie », les bureaucraties, petites et grandes, étatiques ou marchandes, ne cessent de soumettre les espaces de la vie commune à leurs propres critères : rien ne doit entraver le flux de l’économie ; rien ni personne ne doit se déplacer incognito.
Pourtant, depuis 2005, une résistance se structure. Fin 2005, une troupe de clowns apparaît dans la cantine du lycée de Gif-Sur-Yvette et neutralise les bornes biométriques pendant le repas de midi. Diverses campagnes d’information ont lieu et certaines oppositions réussissent à empêcher l’installation de bornes biométriques. En ce début d’année 2008, divers collectifs en France (voir ici) se sont alliés pour lancer du 12 mars au 12 avril une campagne nationale contre la biométrie. "
La question a pris une ampleur considérable, quoique discrète pour le grand public, au niveau européen.
Le règlement (CE) n°2252/2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres ne prévoit aucune dérogation à l’obligation de donner ses empreintes digitales.
Il a donc fallu y insérer des dispositions dispensant de cette obligation les enfants âgés de moins de 6 ans et les personnes physiquement incapables de s’y conformer ! C’est ce qu’a fait la proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil COM (2007) 619 final 2007/0216 (COD) le 18 octobre 2007. Mais par la même occasion, elle introduit le principe « une personne, un passeport ».
A la rubrique des motivations, cette proposition répond aux deux dimensions : « Obtention et utilisation d’expertise ? » :
« Il n’a pas été nécessaire de faire appel à d’autres experts extérieurs » et à « Analyse d’impact ? » : « Aucune analyse d’impact n’a été réalisée ».
Elle ajoute « cette modification entraînera certains coûts additionnels pour les citoyens, qui devront payer des droits pour chaque passeport qui leur sera délivré. (...) En outre, cette solution rendra les voyages plus sûrs car les enfants seront mieux protégés. »
Le Parlement européen et le Conseil préparent pour 2008 un règlement (CE) concernant le système d’information sur les visas (VIS) et l’échange de données entre les États membres sur les visas de court séjour (règlement VIS). La Commission, pour son compte, a présenté une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les instructions consulaires communes adressées aux représentations diplomatiques et consulaires de carrière, en liaison avec l’introduction d’éléments d’identification biométriques et de dispositions relatives à l’organisation de la réception et du traitement des demandes de visa [COM(2006) 269 final].
Le règlement VIS définit la finalité, les fonctions et les responsabilités du VIS, tandis que la modification des instructions consulaires communes fournira aux États membres une base juridique pour procéder au relevé obligatoire des identifiants biométriques des demandeurs de visa ; elle prévoit en outre la possibilité d’une collaboration entre les États membres, par exemple par la création de centres commun de traitement des demandes de visa.
Conformément à l’article 18 du règlement VIS, les gardes-frontières sont autorisés à effectuer des recherches dans le VIS, à des fins de vérification, à l’aide du numéro de la vignette visa en combinaison avec les empreintes digitales du titulaire du visa. Pendant une période maximum de trois ans après le début de l’activité du VIS, la recherche peut être effectuée en utilisant le seul numéro de la vignette visa.
Selon la Commission « L’utilisation du VIS revêt une importance fondamentale pour l’efficacité des contrôles aux frontières extérieures. Seul un contrôle biométrique peut établir avec certitude qu’une personne souhaitant entrer dans l’espace Schengen est bien celle à laquelle le visa a été délivré. Il y a donc lieu que les gardes-frontières consultent systématiquement le VIS et procèdent à un contrôle biométrique pour chaque titulaire de visa ».
Sur le site d’un grand connaisseur, on trouvera des liens complets vers les documents suivants :
• Rapport sur les méthodes scientifiques d’identification des personnes à partir de données biométriques et les techniques de mise en œuvre par M. Christian CABAL, Député.
• SÉNAT / SESSION ORDINAIRE DE 2004-2005 / Annexe au procès-verbal de la séance du 29 juin 2005 Rapport d’information sur la nouvelle génération de documents d’identité et la fraude documentaire par M. Jean-René LECERF.
• La page web sur la biométrie vue par le ministère de l’économie, des finances et de l’emploi (Minefe)
• La position de la CNIL
• Des portails biométriques : Biométrie online, Portail EDGB2B
Gilles J. Guglielmi
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