Ensemencement des moules indigènes, mais lutte contre la pénétration d’organismes exotiques

Principe de précaution et plateau de fruits de mer pour les Fêtes
lundi 15 décembre 2008 par Gilles J. Guglielmi

La Commission demandait à la Cour de constater que l’introduction par le Royaume des Pays-Bas d’un système d’autorisation préalable pour l’ensemencement, dans les eaux côtières néerlandaises, des huîtres et des moules provenant légalement d’autres États membres et appartenant à des espèces indigènes aux Pays-Bas, constituait un manquement aux obligations du Traité (28 CE et 30 CE).

Dans un arrêt du 4 décembre 2008, Commission des Communautés européennes c. Royaume des Pays-Bas, aff. C 249/07, la Cour de justice des Communautés européennes a reconnu le manquement, mais c’est le motif de l’arrêt qui mérite de retenir l’attention : les conditions d’invocation du principe de précaution n’ont pas été établies par l’Etat membre.

Les Etats membres sont toujours libres d’instaurer un régime d’autorisation pour protéger l’environnement.

En effet, un tel régime d’autorisation, parce qu’il s’analyse en une mesure d’effet équivalant à une restriction quantitative à l’importation au sens de l’article 30 CE, peut être justifié par des raisons visées à cet article (v. CJCE, 28 septembre 2006, Ahokainen et Leppik, C-434/04, Rec. p. I-9171, point 23). Parmi celles-ci figure la protection de la vie des animaux (CJCE, 3 décembre 1998, Bluhme, C-67/97, Rec. p. I-8033, point 33), matérialisée en l’espèce par le maintien de la biodiversité et la conservation des espèces halieutiques dans l’intérêt de la pêche recherchés par les Pays-Bas.

Toutefois, la CJCE vérifie si le régime d’autorisation est apte à réaliser l’objectif de protection de la vie des animaux et s’il ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (v. CJCE 11 mai 1999, Monsees, C-350/97, Rec. p. I-2921, point 28). Il doit être proportionné à cet objectif, lequel n’aurait pas pu être atteint par des mesures restreignant d’une manière moindre les échanges intracommunautaires (v. CJCE, 23 septembre 2003, Commission/Danemark, C-192/01, Rec. p. I-9693, point 45).

Le Royaume des Pays-Bas appuyait la nécessité du régime d’autorisation sur un avis d’experts du 2 juin 2004 selon lequel le transport de coquillages présente un important risque écologique potentiel d’introduction d’éléments exotiques. La CJCE a refusé l’invocation du principe de précaution au motif que l’expertise de 2004 ne répond pas aux exigences de la jurisprudence (CJCE, 19 juin 2008, Nationale Raad van Dierenkwekers en Liefhebbers et Andibel, C-219/07, points 37 et 38), selon lesquelles il doit être procédé à une évaluation approfondie du risque, établie à partir des données scientifiques les plus fiables et des résultats les plus récents de la recherche internationale, attestant l’impossibilité de déterminer avec certitude l’existence ou la portée du risque.

L’interprétation est exigeante. Elle est de nature à dénier au principe de précaution tout caractère généraliste ou rhétorique pour le cantonner au domaine de l’expertise technique à l’issue d’une procédure spécialement et rigoureusement instruite. Cette précision était nécessaire à l’heure où le Conseil d’Etat français, reconnaissant une valeur constitutionnelle (CE Ass., 3 octobre 2008, n°297931, Commune d’Annecy) à la Charte de l’Environnement citée par la Constitution de 1958 depuis la réforme de 2005, a probablement constitutionnalisé [1] la seule disposition réellement précise de cette Charte : celle qui définit justement le principe de précaution.

[1en sus de celle de l’article 7 : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. »


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