La défense du service public est en soi un motif légitime de grève

La Cour de cassation donne raison aux grévistes
mardi 13 novembre 2007 par Gilles J. Guglielmi

Dans un arrêt du 23 octobre 2007, la Cour de cassation estime que 1°) le mode d’exploitation du service public est un motif de grève et que 2°) le fait que l’employeur ne puisse pas donner satisfaction aux salariés quant à ce mode de gestion est sans incidence sur la légitimité de la grève.

En l’espèce, les grévistes de la Régie des transports de Marseille (RTM) avaient exprimé des revendications en vue d’obtenir que la Communauté urbaine, organisme de tutelle de la RTM, rapporte le vote de son organe délibérant par lequel elle avait décidé de soumettre l’exploitation du futur réseau de tramways de Marseille à une procédure de délégation de service public.

En d’autres termes, il souhaitaient qu’elle renonce au transfert à une entreprise privée de la gestion du service public qu’ils assuraient. Et pour appuyer leur revendication, ils avaient déclenché une grève.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait décidé que le mouvement de grève constituait un trouble manifestement illicite en retenant, d’une part, qu’il n’avait pas pour but de faire aboutir des revendications professionnelles car l’objectif visé ne constituait pas une revendication de nature salariale ou touchant à l’emploi, d’autre part que la RTM ne disposait pas de la capacité de donner satisfaction à une telle revendication.

La Cour de cassation a censuré la Cour d’appel. Elle considère en effet d’une part que la défense du mode d’exploitation du réseau des transports urbains constituait, pour les employés de la RTM, établissement public industriel et commercial, une revendication d’ordre professionnel, et d’autre part que la capacité de l’employeur à satisfaire les revendications des salariés est sans incidence sur la légitimité de la grève.

L’arrêt
 [1] est évidemment réaliste, car il ne serait pas possible de priver les salariés des moyens d’une revendication légitime au motif que, formellement, leur employeur n’est pas en possession du pouvoir de direction stratégique du service public. Seule la personne publique responsable du service est, en effet, juridiquement en mesure de réaliser les choix fondamentaux en matière de modes d’organisation (cf. Guglielmi & Koubi, Droit du service public, Montchrestien, 2ème éd. 2007 (avec G. Dumont), p. 302).

Mais on retiendra évidemment et avant tout que la défense du mode de gestion publique, en régie, par le refus de la délégation de gestion du service public au privé, est une revendication professionnelle constituant un motif légitime de grève.

[1Cour de cassation, Ch. Sociale, 23 octobre 2007, arrêt n° 2192 FS-P+B (pourvoi n° Z 06-17.802).


Documents joints

Cass. soc. 23 oct. 2007, RTM

13 novembre 2007
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