La défense du service public est en soi un motif légitime de grève
Dans un arrêt du 23 octobre 2007, la Cour de cassation estime que 1°) le mode d’exploitation du service public est un motif de grève et que 2°) le fait que l’employeur ne puisse pas donner satisfaction aux salariés quant à ce mode de gestion est sans incidence sur la légitimité de la grève.
En l’espèce, les grévistes de la Régie des transports de Marseille (RTM) avaient exprimé des revendications en vue d’obtenir que la Communauté urbaine, organisme de tutelle de la RTM, rapporte le vote de son organe délibérant par lequel elle avait décidé de soumettre l’exploitation du futur réseau de tramways de Marseille à une procédure de délégation de service public.
En d’autres termes, il souhaitaient qu’elle renonce au transfert à une entreprise privée de la gestion du service public qu’ils assuraient. Et pour appuyer leur revendication, ils avaient déclenché une grève.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait décidé que le mouvement de grève constituait un trouble manifestement illicite en retenant, d’une part, qu’il n’avait pas pour but de faire aboutir des revendications professionnelles car l’objectif visé ne constituait pas une revendication de nature salariale ou touchant à l’emploi, d’autre part que la RTM ne disposait pas de la capacité de donner satisfaction à une telle revendication.
La Cour de cassation a censuré la Cour d’appel. Elle considère en effet d’une part que la défense du mode d’exploitation du réseau des transports urbains constituait, pour les employés de la RTM, établissement public industriel et commercial, une revendication d’ordre professionnel, et d’autre part que la capacité de l’employeur à satisfaire les revendications des salariés est sans incidence sur la légitimité de la grève.
L’arrêt
[1] est évidemment réaliste, car il ne serait pas possible de priver les salariés des moyens d’une revendication légitime au motif que, formellement, leur employeur n’est pas en possession du pouvoir de direction stratégique du service public. Seule la personne publique responsable du service est, en effet, juridiquement en mesure de réaliser les choix fondamentaux en matière de modes d’organisation (cf. Guglielmi & Koubi, Droit du service public, Montchrestien, 2ème éd. 2007 (avec G. Dumont), p. 302).
Mais on retiendra évidemment et avant tout que la défense du mode de gestion publique, en régie, par le refus de la délégation de gestion du service public au privé, est une revendication professionnelle constituant un motif légitime de grève.
[1] Cour de cassation, Ch. Sociale, 23 octobre 2007, arrêt n° 2192 FS-P+B (pourvoi n° Z 06-17.802).
Gilles J. Guglielmi
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La conception du service public, par Nicolas Sarkozy20 novembre 2007, par MLAMV
« Ma conception du service public, c’est que le service public est d’abord au service des usagers », a-t-il insisté, avant de fustiger la « loi imposée par une minorité » : « Dans une démocratie apaisée on dialogue. Dans une démocratie civilisée on arrête la grève avant de mettre une économie à genoux. Dans une démocratie aboutie la majorité doit l’emporter sur une minorité très minoritaire, fût-elle violente. »
(Source : Libération, édition du 20 novembre 2007)
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La conception du service public, par Nicolas Sarkozy22 novembre 2007, par Geka
La conception ici résumée du service public répond à une vision consumériste de la société. Elle est contraire à la philosophie générale du lien social qui suppose la recherche de conciliation plutôt que l’incitation à la confrontation.
La notion de service public est fondamentalement liée à la nature républicaine des institutions. Comme celles-ci sont en passe de se déliter au vu des réformes constitutionnelles envisagées, on ne peut que remarquer que l’intention générale est bel et bien d’instituer un système ultra-libéral, et donc répressif, dans lequel les citoyens ne disposeraient comme seul moyen d’expression le dépôt d’un bulletin dans une urne après des matraquages médiatiques inconsidérés qui censurent les oppositions et éteint les voix critiques. Ils deviendraient ainsi des sujets aliénés et, qui plus est, suivant la logique d’une déconstruction générale du droit du travail, exploités (le MEDEF ne voudrait-il pas supprimer la durée légale du travail ?) ; ils ne pourraient alors faire valoir leurs droits fondamentaux – et, justement, le droit de grève en relève.
On peut aussi s’étonner qu’un Président de la République qui se voudrait soucieux des conditions de vie quotidienne des citoyens préfère démanteler les services publics en accélérant leur marchandisation et en réduisant l’accès à ces services par des mesures diverses (qui font souvent peser le financement de ces services non par l’impôt en général mais par des retraits sur les salaires et allocations des moins pourvus et non sur les revenus des plus nantis comme le prévoit un certain « paquet fiscal » !).
Les différentes réglementations développées à propos de l’enseignement, de la santé, de la justice en forment aujourd’hui des illustration patente.
L’objectif n’est pas de moderniser l’administration ou de réformer l’Etat mais de réaliser des économies sur le dos des citoyens pour permettre aux grandes entreprises et aux multinationales d’engranger le maximum de profits… – sans parler d’un certain traitement augmenté récemment dans des proportions vertigineuses. Quant aux effets sur l’économie française, ne s’agit-il pas de considérer essentiellement les pertes que subissent ces grandes entreprises et multinationales, les « patrons » ? Car, malgré les beaux discours sur les effets positifs de la libre concurrence, outre le fait que les prix des services sont bien loin de baisser puisque ne sont répercutées que les hausses et jamais les baisses du prix des matières premières, ce sont bel et bien leurs ressources qui n’en finissent pas d’augmenter alors que les salaires des travailleurs sont de moins en moins revalorisés… L’actualité économique des derniers mois le prouve assez !Comment admettre que les nivellements se réalisent systématiquement par le bas pour les uns et toujours par le haut pour les autres ?
En matière de droits sociaux, acquis de haute lutte, trop d’entre eux se sont vus défaits et trop d’entre eux se trouvent désormais remis en cause : si la recodification du droit du travail a généré une précarisation générale de la vie sociale, la recomposition de la sécurité sociale s’annonce encore plus problématique pour l’ensemble des citoyens.
La réforme des régimes spéciaux aurait du faire en sorte que tous les facteurs soient analysés : temps de travail pris en considération (1600 heures pour le secteur public contre 800 heures pour le secteur privé), pénibilité des taches, astreintes générées par le statut public du service, etc.
Ce qui est désolant est encore de s’apercevoir que tandis que l’on déplore le long chômage subi par les jeunes, on voudrait allonger le temps de travail des plus âgés ! La logique ne serait-elle pas plutôt d’inciter au recrutement des plus jeunes, d’améliorer au sein d’une entreprise donnée leur formation et de leur proposer un emploi sécurisé ?A certains moments, me vient l’envie de donner à lire « Les Luttes de classes en France » de Karl Marx (1850), les descriptions et analyses qui y sont présentées sont terriblement d’actualité !!!!.
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La conception du service public, par Nicolas Sarkozy23 novembre 2007, par GCAGG
Plus modestement, eu égard à la qualité de la réponse de Géka, si le droit de grève est un conflit collectif, il suffit d’être deux pour faire grève. Aucune logique de minorité/majorité peut être opposée à ces deux grévistes. Ce qui serait scandaleux, c’est qu’une majorité puisse s’opposer à une minorité de grévistes ! Celle-ci a le droit de s’exprimer précisément parce que c’est le seul droit légitime qui lui reste après avoir accepté démocratiquement la victoire de la majorité aux élections (professionnelles ou pas).
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