Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel.
C’est la mission donnée au Premier président de la Cour de cassation par le Président de la République.
Voilà une nouveauté en droit constitutionnel : la violation de l’article 62 de la Constitution par un communiqué de presse.
Le point sur cette affaire qui traduit bien le mépris du droit par un homme qui occupe l’une des plus éminentes fonctions de tous les pouvoirs publics, se trouve ici.
forum
-
Nicolas Sarkozy se serait-il trompé de continent ?31 mars 2008, par Delphine Cingal
Mépris des lois ou nullité culturelle ? Nicolas Sarkozy est tellement impressionné par ce qui se passe Outre Atlantique qu’il a peut-être confondu Conseil d’Etat et Cour Suprême.
En effet, depuis Marbury v. Madison, la Cour Suprême américaine a le droit de déclarer une loi inconstitutionnelle (le Judicial Act de 1789 dans le cas de Marbury), mais elle a perdu le writ of mandamus (bref, en gros, elle a le droit de déclarer une loi inconstitutionnelle mais n’a aucun moyen de faire appliquer ses décisions.)
Le petit Français de base se frotte les mains. Chance, joie, bonheur ! Sarkozy se met à rêver d’un Conseil d’Etat aussi accommodant. Et pourtant, non ! L’Américain est tellement attaché à sa Constitution que je n’ose pas imaginer ce que ferait la presse dans le cas d’un Président qui maintiendrait une décision inconstitutionnelle alors même qu’il aurait juré, sur la Bible, de défendre la Constitution. L’impeachment pointe le nez.
-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel2 mars 2008, par La Constitution en Afrique
Vous avez parfaitement raison : il est insupportable de voir le Président de la République, gardien de la Constitution (cf. art. 5), tenter de s’affranchir d’une décision de censure partielle du Conseil Constitutionnel qui le lie (art. 62), tant qu’elle n’est pas "cassée" par le pouvoir de révision (art. 89), comme en 1993. Cette dernière hypothèse paraît exclue : il faudrait que la gauche (la droite a manqué de peu la majorité des 3/5 aux dernières législatives) consente à une telle révision. Une révision à la de Gaulle via l’article 11 de la Constitution pourrait être envisagée pour jouer le peuple - sécuritaire - contre les juges ; seulement, la législation pénale ne fait pas partie des sujets référendables.
Il ne s’agit pas là de vénielles questions d’interprétation. Nul ne peut nier que ce sont les interprètes de la Constitution qui déterminent, en définitive, sa teneur. Mais je ne vois pas en quoi l’article 62 de la Constitution ou tout autre article conférerait la moindre marge d’appréciation au premier des pouvoirs publics qui pourrait, grâce à une lecture tendancieuse et soutenable, contourner une décision ayant l’autorité absolue de chose jugée.
Un grand MERCI à Geneviève Koubi qui montre qu’un publiciste peut faire une lecture citoyenne de l’actualité constitutionnelle. La France ne sera pas une République bananière tant que la vigilance s’exercera à l’égard des manoeuvres qui menacent - pas seulement en Afrique ou dans d’autres contrées en voie de développement ! - l’Etat de droit et de démocratie pluraliste.
SB
-
De la banane et ses usages (linguistiques)4 mars 2008, par RB
Un grand MERCI aussi à vous pour votre contribution qui (me) montre, en plus, que l’expression "République bananière" n’est pas exclusivemnet applicable (et employée dans ou pour designer) certains pays de l’Amérique latine.
Et votre blog est très intéressant !
-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel16 mars 2008, par Tor Akin
A lire la presse ou les communiqués à leur attention, il est clair que le Président de la République a cherché à passer outre la décision du Conseil constitutionnel.
A lire la lettre de mission adressée au Premier Président de la Cour de cassation, il semble que les choses soient beaucoup plus complexes. Par deux fois, la lettre mentionne d’ailleurs le fait qu’il soit nécessaire de faire avec cette décision du Conseil constitutionnel ("Bien entendu, cette décision s’impose à tous" ; "je souhaite que vous examiniez la situation de la décision du Conseil Constitutionnel"). D’où la nécessité de rechercher des solutions alternatives.
Une partie de ce blog est dédiée à l’actualité juridique. Faut il pour autant que les commentaire de cette actualité juridique s’appuient sur l’actualité de la presse généraliste, toujours à la recherche de sensationnel (qu’elle invente ou qu’on lui fournit) ?
-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel17 mars 2008, par GJG
Ma réponse se limite en l’occurrence, puisque j’ai renvoyé à l’article de ma collègue le Pr Geneviève Koubi, à ma fonction d’éditeur de ce site.
Ce site n’est, en effet, pas un blog, mais un lieu de mise à disposition de documentation de fond, principalement à destination d’étudiants. Il arrive que je souhaite attirer l’attention sur un problème juridique majeur au moment même où l’information m’arrive. Parfois ce problème reste cantonné à la discussion entre juristes parfois au contraire, il donne lieu ensuite à un traitement médiatique large. C’est la deuxième hypothèse qui se rencontre ici, car Droit Cri-Tic, le site de G. Koubi, a fait paraître cet article, et j’y ai renvoyé le matin d’un samedi. Ce n’est que l’après-midi que le Monde en a fait sa une, et les jours suivants d’autres quotidiens l’ont relayé. Le renvoi à cette réflexion initiale sur la question structurelle que pose une demande du président de la République à une juridiction suprême est donc à prendre dans ce contexte temporel, qui n’est pas celui de la lettre de mission...
Maintenant, puisque j’ai l’occasion d’ajouter mon avis au fond des choses : il me semble que, sous l’angle purement institutionnel, saisir aussi rapidement et avec roulement de tambour médiatique, le président d’une cour suprême, d’une demande tendant à tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel pour que cette dernière ne produise aucun effet sur un texte qu’elle désavoue en partie, c’est au fond des choses ne pas respecter la décision du Conseil.
Saisir le seul Premier président de la Cour de cassation d’une demande, même consultative, avec le but affiché de trouver des solutions de contournement supposées relever de la technique juridique, c’est laisser à penser que le droit est un instrument de contournement qui est à la disposition d’un expert et peut servir, quel que soit le but, une décision politique.
Ces deux dimensions me paraissent contraires au droit constitutionnel français, tant à la lettre de la Constitution qu’à la fonction même du droit dans les régimes démocratiques depuis la Révolution.
-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel17 mars 2008, par Tor Akin
Ma réponse se limite en l’occurrence, puisque j’ai renvoyé à l’article de ma collègue le Pr Geneviève Koubi, à ma fonction d’éditeur de ce site.
Ce site n’est, en effet, pas un blog, mais un lieu de mise à disposition de documentation de fond, principalement à destination d’étudiants. Il arrive que je souhaite attirer l’attention sur un problème juridique majeur au moment même où l’information m’arrive. Parfois ce problème reste cantonné à la discussion entre juristes parfois au contraire, il donne lieu ensuite à un traitement médiatique large. C’est la deuxième hypothèse qui se rencontre ici, car Droit Cri-Tic, le site de G. Koubi, a fait paraître cet article, et j’y ai renvoyé le matin d’un samedi. Ce n’est que l’après-midi que le Monde en a fait sa une, et les jours suivants d’autres quotidiens l’ont relayé. Le renvoi à cette réflexion initiale sur la question structurelle que pose une demande du président de la République à une juridiction suprême est donc à prendre dans ce contexte temporel, qui n’est pas celui de la lettre de mission...
Entendu. Mais la comparaison entre la lettre de mission et le communiqué de presse tend justement à disqualifier la portée de ce dernier. Par conséquent, faut il tirer d’un communiqué de presse des conclusions sur l’atteinte portée à l’Etat de droit ? Sachant que ce n’est pas sur la base du communiqué que le Premier Président de la Cour de cassation est invité à élaborer un montage juridique susceptible d’être transformé en projet de loi.
D’ailleurs, le communiqué de presse d’origine présidentielle n’est il pas aujourd’hui plus qu’avant un instrument de détournement par le contrôle de l’agenda médiatique, voire de provocation dans le but de concentrer toutes les attaques contre soi (stratégie dont on sait qu’elle augmente la popularité) ? Tirer de communiqués de presse des conclusions juridiques n’est il pas justement donner de l’eau au moulin du détournement ou de la provocation ? J’avoue ne pas avoir de certitudes...
Maintenant, puisque j’ai l’occasion d’ajouter mon avis au fond des choses : il me semble que, sous l’angle purement institutionnel, saisir aussi rapidement et avec roulement de tambour médiatique, le président d’une cour suprême, d’une demande tendant à tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel pour que cette dernière ne produise aucun effet sur un texte qu’elle désavoue en partie, c’est au fond des choses ne pas respecter la décision du Conseil.
Saisir le seul Premier président de la Cour de cassation d’une demande, même consultative, avec le but affiché de trouver des solutions de contournement supposées relever de la technique juridique, c’est laisser à penser que le droit est un instrument de contournement qui est à la disposition d’un expert et peut servir, quel que soit le but, une décision politique.
Ces deux dimensions me paraissent contraires au droit constitutionnel français, tant à la lettre de la Constitution qu’à la fonction même du droit dans les régimes démocratiques depuis la Révolution.
Sans vouloir prétendre disposer d’une expérience et d’un talent égaux aux vôtres dans le domaine de l’étude de la norme juridique, il me semble pourtant que la Constitution fait aussi du droit un instrument de contournement au service d’une décision politique. N’est ce pas ce qu’implique l’article 54 de la Constitution selon lequel "si le Conseil constitutionnel [...] a déclaré qu’un engagement international comporte une clause contraire à la Constitution, l’autorisation de ratifier ou d’approuver l’engagement international en cause ne peut intervenir qu’après révision de la Constitution" ?
-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel17 mars 2008, par Geka
[mais lorsqu’il s’agit d’un communiqué officiel de la Présidence de la République, c’est toujours de l’actualité juridique !!
certaines questions ne font pas toujours la une des journaux ; celle-ci touchait à un problème fondamental : l’Etat de droit.].
-
-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel23 février 2008, par PJ
C’est parfaitement juste. Politiquement la décision présidentielle "peut" se comprendre (se placer du côté des victimes). Juridiquement, l’initiative est choquante car elle incite à violer le texte constitutionnel au grand jour.
http://www.leparisien.fr/home/info/politique/articles/UNE-DECISION-SURPRENANTE-ET-CHOQUANTE_296079552-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel24 février 2008, par Geka
Fondamentalement, ce type de réaction ne peut se comprendre, même en soulignant ce mot de "victime".
En premier lieu, ce qui est insupportable, c’est l’idée même de la rétention de sûreté à vie pour des actes qui sont présupposés et déjà imputés par le seul fait d’avoir été condamné une fois. L’échec est pourtant celui du système pénitentiaire, et c’est cet échec que l’on voudrait ainsi transférer sur celui qui a accompli sa peine, qui a remboursé sa dette à la société. Car si malade il est, c’est de "soins" dont il a besoin et non d’un enfermement qui le désigne en "monstre".
Comment ne pas penser aux risques qui s’ensuivent ? ne serait-ce qu’en songeant à une tentative de dépistage, au moyen de critères abscons aux pseudo-couleurs psychologiques, et dès la maternelle, des enfants turbulents qui révèleraient ainsi des tendances problématiques ; et, quand on dénombre tous ces fichiers qui consignent les moindres écarts de chacun (les "drones", même interdits, circulent déjà dans le ciel "à titre expérimental"), les moindres moments de contact avec la justice, la police, etc., ne peut-on craindre qu’il en soit fait usage pour décider "qui" et "qui" deviendraient "dangereux" et devraient être emprisonnés avant même qu’un acte quelconque ait été accompli ?
En second lieu, la conscience des "risques" ne justifie nullement ce type de discours qui en appelle, quoiqu’on en dise, au sentiment, au désir de vengeance — ce que la matière même du droit devrait conduire à éviter. La référence au principe de précaution est malvenue en la matière. Toute la question tourne autour d’une perception de l’homme et de l’humanité qui se révèle ici plus que malmenée. Elle dessine les limites extrêmes du positivisme juridique.
En ce positionnement du discours présidentiel qui s’acharne à vouloir faire valider une disposition inconstitutionnelle, les victimes ne sont, ainsi que l’a fait remarquer R. Badinter, qu’éventuelles, hypothétiques, incertaines... Le "principe de responsabilité" est défait. C’est aussi ce qui s’avère des plus inquiétants à tous les points de vue. Nous sommes bien entrés dans "une période sombre", certes pour la justice, d’un côté (judiciaire) comme de l’autre (constitutionnel), mais aussi...
-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel24 février 2008, par SILNICKI Florian
Et quand le Général de Gaulle utilise l’article 11 pour réviser la Constitution ? Aujourd’hui le Président conduit et dirige la politique de la Nation pourtant en contradiction avec l’article 20 de la Constitution ? Le Président n’est pas censé pouvoir mettre fin aux fonctions du Premier ministre, pourtant il l’a fait notamment alors qu’il avait la confiance du Parlement. On peut le voir avec Chaban par exemple.
Les exemples de débat sur la violation ou non d’un article de la Constitution, norme suprême de notre ordre juridique, foisonne dans notre histoire.
Ainsi même si cela reste condamnable, toute violation ou non du texte constitutionnel est question d’interprétation.
Cela reste surtout une question éminemment partisane !
-
Comment s’asseoir sur une décision du Conseil constitutionnel24 février 2008, par Geka
Certes, l’utilisation du référendum en 1962 pour modifier la Constitution relevait d’une incongruité juridique, certains pourraient cependant penser que le peuple avait eu à dire son mot pour valider ce qui avait été perçu comme un coup d’Etat permanent (ce que le Conseil constitutionnel avait lui-même retenu) ;
sans doute l’éviction du Premier ministre relevait de l’exercice d’un pouvoir non attribué au Président de la République de par la Constitution, d’autres pouvaient relever que l’atteinte portée au texte constitutionnel demeurait limitée en vertu du parallélisme des compétences (celui qui nomme étant alors celui qui révoque) ;
de nos jours, déjà, l’absence de toute considération de la qualité républicaine des institutions pose la question d’une certaine légitimité (sans oublier que l’article 89 de la Constitution dit, même de manière liminaire, l’importance qu’il faut y accorder) ;
et, là, maintenant, ce n’est pas faire preuve d’esprit partisan que de faire remarquer que, de la part de celui qui avait l’obligation de se positionner en garant des institutions (art. 5), chercher à passer outre aux décisions et interprétations du Conseil constitutionnel, — ici notamment pour des questions qui relèvent directement des droits de l’homme et des libertés fondamentales —, revient bel et bien à mener la France vers la négation même de l’Etat de droit...
ce d’autant plus que l’une des conséquences de ces coups médiatiques en forme de coups d’Etat permanents est de faire en sorte que ceux qui jusqu’alors soulignaient la nécessité de rationaliser le texte de la Constitution pour reconstruire un équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif et assurer d’un pouvoir judiciaire "séparé", se trouvent aujourd’hui conduits, à leur corps défendant, à la revaloriser et à en appeler à sa conservation malgré ses faiblesses et ses incohérences.
Mais si la Constitution était un jour modifiée dans le sens aujourd’hui imprimé à l’action des pouvoirs publics, sans aucun doute, tant la référence à la Déclaration de 1789 et au Préambule de 1946 que l’attention à porter aux dispositions de l’article 1er n’auraient plus lieu d’être, et dans ce cas....
-
fr Droit constitutionnel Articles ? | OPML ?