Vélib’ : l’avenant était licite
Un avenant de portée limitée concernant exclusivement l’amélioration d’un service public rendu aux usagers ne bouleverse pas l’économie générale d’un contrat public et ne modifie pas son objet. Ainsi en décide l’arrêt du Conseil d’Etat du 11 juillet 2008, Ville de Paris, n° 312354.
La Ville de Paris a passé, le 27 février 2007, un marché avec la société Somupi pour la mise en place d’un système de vélos en libre-service dénommé « Vélib’ ».
Le marché prévoyait la possibilité de compléter significativement le nombre de stations de vélos et de vélos, par bons de commandes, « en fonction des volumes mis en place dans la première étape, du succès du dispositif, de l’évolution de la demande des usagers ou encore de la nécessaire densification de certains quartiers ».
Le 19 décembre 2007, le conseil de Paris a autorisé le maire à conclure un avenant à ce marché et à signer des conventions avec les communes limitrophes en vue de l’installation, sur le territoire de ces communes, de nouvelles stations « Vélib’ », afin d’élargir le service rendu aux usagers en accroissant le nombre de vélos disponibles ainsi que l’aire de fonctionnement du système.
Le juge des référés du tribunal administratif de Paris, saisi par la société Clear Channel France, a annulé la délibération litigieuse par ordonnance du 2 janvier 2008 au motif de ce que l’avenant bouleversait l’économie générale du contrat.
Le Conseil d’Etat, statuant en cassation sur cette ordonnance, estime, bien au contraire, que l’extension décidée, conçue comme un complément du réseau parisien, porte sur l’implantation de stations supplémentaires uniquement sur la partie du territoire d’une trentaine de communes limitrophes ou très voisines de Paris, comprise à l’intérieur d’une couronne de 1 500 mètres de largeur. Ce complément de portée limitée, et qui concerne bien la même nature de prestation que le marché initial, est, pour le juge administratif suprême, « une extension réduite du service public parisien de vélos en libre service ».
De plus le but de cette extension est clairement d’améliorer un service rendu essentiellement aux usagers qui habitent à Paris ou qui s’y rendent et non de mettre en place un service distinct destiné aux déplacements dans les communes limitrophes.
En conséquence, le Conseil d’Etat casse l’ordonnance de référé, en estimant que le juge du tribunal administratif de Paris avait inexactement qualifié l’avenant.
Cette décision peut être interprétée comme un contrôle de qualification juridique des faits par le juge de cassation des référés précontractuels, dans la mesure où elle se prononce sur ce point contrairement aux conclusions du commissaire du gouvernement Nicolas Boulouis. Néanmoins, la formulation de l’arrêt caractérise une inexacte qualification de l’avenant, ce qui n’est pas à proprement parler une qualification des faits. De plus en matière contractuelle, la dénaturation des clauses est traditionnellement admise comme moyen de cassation et elle ne constitue pas autre chose qu’une erreur sur le contenu ou la portée d’une clause. Certes cette erreur doit être manifeste, mais précisément, l’erreur qui porte sur l’ensemble d’un avenant présente nécessairement ce caractère.
Le paradoxe naît ici de ce que l’appréciation de l’objet d’un avenant, de l’étendue d’une "portée limitée" de l’avenant, et de la possibilité de l’utiliser pour améliorer le service public rendu à l’usager qui ne sont pas à proprement parler disproportionnés, ont été détaillés dans les motifs pour caractériser l’erreur.
Il faut espérer que la jurisprudence ultérieure précisera l’alignement du référé précontractuel sur le recours de plein contentieux contractuel.
Gilles J. Guglielmi
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Vélib’ : l’avenant était licite, Que dire du critère d’appréciation ?26 septembre 2008, par Remus
M. le Professeur,
Ne pensez vous pas que l’utilisation par le Conseil (ce 11 juillet 2008 dans la décision " Avenant-Vélib’ "), des notions de bouleversement de l’économie du contrat et de changement d’objet, classiques en matière de marchés publics, vient contredire, en partie, l’arrêt de la CAA de Paris du 17 avril 2007, n°06PA02278 (AJDA 30 juillet 2007 p 1525) ? En effet ce dernier, infirmant sur ce point le TA, précise que c’est "uniquement" au regard de la modification d’un élément substantiel du contrat initial (une délégation de SP) et non du bouleversement de l’économie de la convention, qu’il convient de qualifier l’avenant de nouveau contrat.
Est ce une différence de jurisprudence liée à la nature même des contrats en cause ?
Et que dire alors pour le contrat de partenariat ?
Voilà qui aurait eu matière à remplir nos copies d’examen de droit des contrats administratifs pour la dissertation sur "la notion d’économie générale des contrats", (promotion 2006-2007) !!!
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