Les PPP, nouvelle offensive de privatisation de l’action publique

mercredi 13 février 2008 par Gilles J. Guglielmi

Le gouvernement a présenté au Conseil des ministres le 13 février 2008 un projet de loi procédant à une réforme d’ampleur de « l’ordonnance PPP » du 17 juin 2004 pour généraliser cette forme de montage contractuel.

Le gouvernement présente un projet de loi visant à "desserrer les contraintes" de mise en œuvre des contrats de partenariat. Il apporterait un assouplissement pour les projets des secteurs économiques jugés prioritaires - dont les transports publics - par la création de deux nouveaux critères d’éligibilité des projets qui s’ajoutent aux deux déjà existants : l’urgence et la complexité.

- les personnes publiques pourront recourir au contrat de partenariat si l’évaluation préalable démontre qu’il présente un bilan avantageux au regard des autres outils de la commande publique ;

- une voie d’accès sectorielle est ouverte pour un temps limité. Elle concerne des secteurs de l’action publique qui présentent un besoin immédiat d’investissement et qui sont donc réputés présenter un caractère d’urgence. Le recours au contrat de partenariat sera possible dans ces secteurs jusqu’au 31 décembre 2012, sous réserve que les résultats de l’évaluation préalable ne soient pas manifestement défavorables.

Un critère qui avait été conçu, au stade de l’avant-projet, comme devant donner "plus de poids" à "l’analyse économique" des projets (selon F. Bergère, secrétaire général de la Mission d’appui à la réalisation des contrats de partenariat), et formulé comme une « prise en compte du développement durable », a finalement été abandonné. On ne peut que s’en réjouir étant donné son caractère à la fois vague et attrape-tout ;

Il n’en demeure pas moins que la logique de cette réforme voudrait placer la procédure des contrats de partenariat "parmi les modalités de droit commun de la commande publique", ce qui est ouvertement contraire à la qualification donnée par le Conseil constitutionnel, dans une décision du 26 juin 2003, de "procédure dérogatoire au droit commun" (cons. 18).
Le communiqué de presse n’en fait pas mystère.

Le projet du gouvernement cherche en réalité à relancer une formule extrêmement favorable aux opérateurs privés, mais dont les conditions de mise en œuvre, limitées à l’origine par les conditions de mise en œuvre et par la décision précitée du Conseil constitutionnel, n’ont engendré que 130 projets (chiffres décembre 2007 selon une estimation de H. Novelli [1]) dont la moitié a débouché sur une procédure d’attribution effective. Il ressort d’un bilan à janvier 2008 que dix-sept contrats seulement ont été signés, aux trois quarts par des grandes collectivités locales pour un montant de 500 millions d’euros dans des domaines très variés (éclairage public, desserte en haut débit, rénovation de bâtiments publics). Deux d’entre eux représentent 20% de ce montant total.

Ce projet constitue en fait l’aboutissement d’une offensive de grande ampleur tendant à présenter les PPP comme l’horizon unique de la nouvelle action publique, alors que sa particularité consiste à désengager les personnes publiques des tâches d’intérêt général qui leur reviennent et à diminuer leur marge d’inflexion et d’évolution des choix publics. Cette tendance constatée également au niveau international est d’ailleurs déjà contestée en raison de ses inconvénients fondamentaux. Par ailleurs, elle est contraire à la tradition française de maîtrise de la personne publique sur les données stratégiques de l’exécution des contrats administratifs.

I. Les principaux points du projet :

• La prise en compte du développement durable lors de l’évaluation préalable.

• L’ajout d’un troisième critère d’éligibilité alternatif avec le critère d’urgence ou de complexité : lorsque le recours à un tel contrat présente un bilan entre les avantages et les inconvénients plus favorable que ceux d’autres contrats de la commande publique, en particulier en termes de coût global actualisé ou de performance attendue, notamment en termes de développement durable.

• La généralisation jusqu’en 2012 du PPP pour les projets dans le domaine de l’enseignement supérieur, la justice, la police et gendarmerie, la défense, la santé. Ainsi dans ces domaines, jugés prioritaires, des PPP pourront être conclus en passant outre les conditions de recours à ce type de contrat.

• La rémunération du cocontractant pourra prendre en compte les recettes qu’il peut être autorisé à tirer de l’exploitation du contrat.

• L’ajout d’une nouvelle procédure de passation : lorsque le montant du contrat à réaliser est inférieur au seuil fixé au c) de l’article 7 de la directive 2004/18 du 31 mars 2004 susvisée, la personne publique peut recourir à une procédure négociée avec publication d’un avis de marché. Cette procédure est définie librement par la personne publique dans le règlement de la consultation.

II. Réactions des acteurs du secteur :

A) Internationaux :

- Le Canada

La Fédération canadienne des municipalités a publié le 30 août 2007 une étude exhaustive sur le fonctionnement et l’efficacité des partenariats public-privé (PPP) auxquels recourent un nombre croissant de collectivités, au Canada comme dans le reste du monde.
L’étude indépendante réalisée par le professeur Pierre J. Hamel analyse les constructions d’écoles, d’hôpitaux, de routes, de métro ou de réseaux d’aqueduc effectuées au Canada par l’entremise des PPP.
Elle n’y décèle aucune économie, bien au contraire. Car si l’on tient compte des dépassements de coûts, des avenants aux contrats et des modifications des priorités publiques, plusieurs de ces projets ont finalement été plus coûteux qu’un projet équivalent directement financé par la collectivité publique.
Rapport « Les partenariats public-privé (PPP) et les municipalités : au-delà des principes, un survol des pratiques »

- Diverses expériences étrangères

B) Nationaux :

- Le monde syndical : Note économique n° 115 (janvier/février 2008, parue le 12/2) du Centre confédéral d’études économiques et sociales de la CGT (CCEES-CGT, 263 rue de Paris 93516 Montreuil cedex, 01.48.18.84.93) où Alain Gély réalise une synthèse très complète sur les contrats de PPP à la veille du projet.

- Les architectes français

- La blogosphère ici
ou .

[1lequel avait relayé à la fin de la précédente législature une proposition de loi ne faisant pas mystère de ses intentions sur le sujet : "L’idéal, dans l’absolu, serait de faire du contrat de partenariat une formule de droit commun, la seule condition étant alors son intérêt économique, en s’inspirant de l’exemple britannique" et "d’en rester au choix initial, de bon sens, du législateur, sans s’en remettre pour cela au bon vouloir du juge" en soustrayant les contrats de partenariat au champ d’application du délit de favoritisme !


Documents joints

Tableau comparatif Ord 2004

11 janvier 2008
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